DOCTOR WHO: THE TWELFTH DOCTOR #1-2
Titre : Terraformer part. 1-2
Scénario : Robbie Morrison
Dessin : Dave Taylor
Couleur : Hi-Fi
Couverture principale du #1 : Alice X. Zhang
Couverture alternative du #1 : Alice X. Zhang, Mariano Laclaustra, Brian Williamson, Christian Ward,Warren Pleece, Des Taylor, Karen Hallion, Sina Grace, Lee Sullivan…
Couverture principale du #2 : The Coal Hill Gang
Éditeur : Titan Books
Sortie : 15 octobre 2014 (#1) ; 19 novembre 2014 (#2)
Après avoir lancé l’été dernier de nouvelles séries régulières, consacrées respectivement au Dixième et au Onzième Docteur, incarnés à l’écran par les bien-aimés David Tennant et Matt Smith, Titan Books a attendu que la huitième saison ai commencé en septembre dernier pour lancer le mois suivant un titre consacrée au Douzième Docteur. Le Seigneur du Temps est à présent incarné pat Peter Capaldi, un acteur plus âgé que ses prédécesseurs qui se sont succédés depuis le retour de la série (le cas particulier de John Hurt mis à part) et qui a su d’emblée imposer une interprétation du personnage bien différente de celle que l’on connaît depuis 2005 sans trahir pour autant l’esprit du personnage. Qui dit Docteur dit compagnon, et c’est tout naturellement Clara Oswald (la délicieuse Jenna Coleman, je suis amoureux d’elle donc je ne l’évoquerai qu’avec des termes vantant sa beauté et son talent et puis c’est tout !) qui accompagne le Docteur dans ces nouvelles aventures qui se placeront pour l’instant au cours de la dernière saison en date qui s’est arrêtée récemment.
La difficulté principale d’une adaptation d’une série TV en cours tient dans le fait qu’il ne faut pas que ses histoires contredisent l’émission ni ne lui coupe l’herbe sous le pied en utilisant des menaces et éléments que les scénaristes du show se réservent, et les Dieux cosmiques savent que Doctor Who regorge de concepts de l’ancienne comme de la nouvelle série qui mériteraient d’être réintroduits. Doctor Who: The Twelth Doctor arrive-t-il à tirer son épingle du jeu en proposant un récit accrocheur malgré toutes ses contraintes ? C’est ce que nous allons essayer de voir avec les deux premiers épisodes de cette nouvelle série formant un arc complet intitulé Terraformer.
Who’s who
Héros so brittish maison d’édition qui ne l’est pas moins obligent, l’équipe créative est un produit 100% Outre-Manche pas aussi connu que les superstars des îles britanniques mais loin d’être des débutants tout de même : on retrouve au scénario Robbie Morrison (rien à voir avec Grant !), qui comme tout bon scénariste britannique qui se respecte s’est fait un nom dans 2000 A.D. sur des séries comme Shakara, Shimura ou encore l’incontournable Judge Dredd, mais surtout sur sa co-création Nikolai Dante qui s’est arrêtée en 2012 après un run remarqué de quinze ans ; le marché américain ne lui est pas inconnu puisqu’on a pu le lire sur du Batman chez DC, le second volume d’Authority et la mini-série Wildcats: Nemesis chez Wildstorm ou encore de passage sur la série anthologique Spider-Man’s Tangled Web chez Marvel. Les dessins sont eux assurés par Dave Taylor, qu’on a pu voir depuis ses débuts dans les années 90 chez DC sur une foultitude de parutions estampillées avec la célèbre chauve-souris comme la maxi-série de 1999 Batman & Superman: World’s Finest ou le graphic novel sorti en 2012 intitulé Batman: Death by Design, chez Marvel, principalement pour la défunte branche Marvel UK, ou (évidemment) divers titres de 2000 A.D., Judge Dredd en tête.
Le spectateur aguerri de Doctor Who se sentir comme à la maison avec la profusion de lieux communs et d’allusions à la série-mère qui s’offrent à lui : le Docteur racontant une anecdote sur un vieil ennemi, mentionnant un certain nœud-papillon, plaisantant sur l’Écosse, assistant à la stupeur provoqué par sa cabine bleue « bigger inside than out », se voyant poser la sacrosainte question « Doctor who ? »… Une fois le prologue passé où l’on assiste à la mort d’un pilote après le crash de son vaisseau spatial, attaqué par de la lave visiblement animée sous les yeux impassibles du co-pilote robotique annonçant que « Hyperios rises », on s’attendrait presque à entendre le célèbre générique de la série tant la construction semble décalquer sur un épisode de la série TV, le Docteur et Clara débarquant ensuite dans un endroit qui ne semble pas être la destination prévue dans la plus grande tradition des débuts d’intrigue de Doctor Who. Le Seigneur du Temps a en effet récupéré la jeune femme alors qu’elle était en pleine sortie de classe de neige, lui promettant une véritable leçon de ski sur Isen VI, une lune glacée connues pour ses « ice-sharks », soit une bonne motivation pour apprendre à se perfectionner selon ses méthodes. À leur grande stupéfaction, les choses ont bien changé sur le planétoïde devenu une véritable jungle tropicale, ce qui donne une bonne indication du choix du nom de l’arc.
le Docteur et Clara confronter à un danger très ancien menaçant cette lune transformée en centre de vacances sur fond de géopolitique galactique avec le mariage d’un milliardaire et de l’héritière d’un empire guerrier, un subplot qui n’apporte strictement rien au récit si ce n’est des petites touches d’humours sans grande incidence sur le déroulement de l’intrigue. Robbie Morrison n’hésite pas à piquer l’intérêt du lecteur en confrontant le Docteur à un antagoniste issu d’une race très puissante et ayant un passé lié à celui des Seigneurs du Temps, se payant même le luxe d’une brève apparition de Rassilion dans ce qui pourrait (ou pas, on reviendra sur les dessins plus bas) être sa mémorable apparence campée par Timothy Dalton dans le dyptique de 2009 The End of Time. On sent qu’il y a de l’ambition derrière l’histoire proposé par le scénariste, qui nous surprend en se permettant de toucher à la mythologie gallifreyenne que l’on penserait plutôt réservée à la série TV, et qui profite aussi de l’avantage principale des adaptations en comic-books : aucune contrainte budgétaire ni de risque de sentir bon le fond vert mal incrusté, et donc une possibilité illimité dans l’élaboration des entités extraterrestres avec ici un concept assez grandiloquent digne de certaines des menaces les plus dingues rencontrées dans la série qui n’est pas sans rappeler un épisode de la saison 7 (si je vous dis « wake up », ça devrait aiguiller les plus attentifs aux magnifique musiques composées par Murray Gold).
Le scénariste semble donc vouloir insuffler un souffle d’épique dans cette série, un aspect qui pour moi à fait un peu trop défaut à la dernière saison alors que le grandiose fait partie intégrante de l’identité de la série TV. Je n’ai pas encore eu le temps de dresser un bilan pour la huitième saison (non, je ne vais pas faire de plans sur la comète en vous en promettant un en bonne et due forme…), mais si vous avez lu le Geexity que j’avais consacré au pilote vous savez sans doute que j’y voyais de belles promesses qui ont été tenues pour une partie d’entre elles. Pour dresser un bilan rapide de cette dernière saison (n’en déplaise à River Song, aucun réel spoiler ne suit !), je l’ai trouvé particulièrement réussie dans son parti-pris d’être très tournée vers les enquêtes, l’horreur et la relation privilégiée entre le Docteur et Clara ; néanmoins, je lui reprocherai de ne pas avoir altéré l’épouvante, le mystère et l’introspection avec des épisodes très épiques comme on en avait avant, les deux épisodes de conclusion venant heureusement remédier à ce point, même si je ne peux pas nier que l’on a tout de même des moments de « sens of wonder » dans quelques épisodes comme la fin de Kill the Moon.
Globalement les deux épisodes forment une histoire assez plaisante qui s’apprécie réellement lorsqu’on les lit à la suite, avec des petites touches d’humour décalé comme la série TV se plait à en instiller régulièrement. Robbie Morrison semble lancer à la fin de son histoire une piste de fil rouge pour son run qui ne devrait toutefois durer que cinq numéros, ce qui est fort dommage vu les bons points de ses débuts, à moins que les sollicitions ne parlent que de sa coopération avec le dessinateur Dave Taylor et l’on pourrait alors s’attendre à des rappels réguliers de cet élément à la manière des différents gimmicks dont (quasiment) chaque saison s’est dotée depuis le retour du Seigneur du Temps à la télévision en 2005.
L’une des grandes difficultés lorsque l’on travaille sur une adaptation est retranscrire la « voix » des personnages. Le pari est réussi ici pour le personnage du Docteur dont on retrouve l’essence, ce qui relève exploit puisque ce titre a été élaboré et écrit AVANT que la nouvelle série ne soit diffusée à la télévision ; le mieux que le scénariste ait pu voir était la très courte première apparition du Douzième Docteur à la fin de Time of the Doctor où il n’était même pas lui-même. A-t-il eu accès aux scripts ? Vus en avant-première certains épisodes ? Dans tous les cas, le pari est largement réussi pour cet aspect du titre.
Toutefois, si on retrouve bien le ton de la série et la « voix » du héros dans ces deux épisodes, reconnaît-on son visage ? Non, je n’essaie pas de faire de l’humour sur la capacité de régénération du Docteur, mais pointe du doigt l’une des spécificités des dessins dans les adaptations de séries TV et films en comics, à savoir que la représentation des acteurs même dans leurs rôles tenus à l’écran est soumis au droit à l’image. Ainsi, il n’est pas rare qu’un acteur refuse que sa tête soit restituée à l’identique dans les aventures de papier de son alter-égo, les dessinateurs usant alors d’astuces allant d’une représentation proche à la reproduction d’expressions faciales ou corporelles rappelant le personnage. D’un point de vue générale sur les dessins, je trouve que Dave Taylor s’en sort bien sur les paysages mais réussi moins ses personnages humains en règle générale, ce qui est assez décevant pour un dessinateur avec tant d’expérience ; c’est d’autant plus décevant que de voir que si ce n’est pas un dessinateur débutant placé sur une licence comme c’est souvent le cas, l’artiste aguerri choisi ne soit pas au top de sa forme. D’un point de vue relevant strictement de la ressemblance avec le modèle utilisé, son Docteur oscille entre un « presque-Capaldi » et un simple excentrique aux cheveux gris suivant les pages dont le visage varie parfois sur la même page ; on est pas loin de penser que le Docteur a été remplacé par un clone fait de Chair vivante (rappelez-vous la saison 6) qui aurait du mal à garder une forme stable. On découvre heureusement quelques moments où il semble avoir saisi le physique de l’acteur, comme ce gros plan sur les yeux de Docteur qui rappelle le regard en colère si marquant que Capaldi a pu arborer durant la dernière saison et qui a été popularisé par une photo promotionnelle (voir ci-dessus), mais le tout reste beaucoup trop irrégulier sur les deux épisodes à mon goût. Les dessins ayant tendance à vraiment se dégrader à mesure que le second épisode avance, on peut se demander si le dessinateur n’a pas dû se dépêcher pour rendre ses planches dans les temps impartis, ce qui expliquerait quelques gros ratés comme le troisième visage du Docteur ci-dessous.
Mais la véritable catastrophe vient de Clara. Clara, ma petite Claranounette adorée, que t-ont-ils faits ?! C’est bien simple, on ne la reconnait même pas !!! Et admettons que ce soit une histoire de droit d’imagine, cela ne pardonne pas les case où la jeune femme est assez ratée. Le problème se rencontre également à l’écriture, puisqu’au final de l’espiègle partenaire d’aventure à la verve mordante il ne reste qu’un compagnon générique remplaçable par d’autres ayant exercé ce poste par le passé ; elle n’est pas totalement absente de l’intrigue, mais son rôle ne paraît pas fondamental dans sa résolution et il est vraiment dommage de voir un personnage si riche ne pas être (pour l’instant ?) utilisé à sa juste valeur. Les problèmes morphologiques dont souffre la jeune femme durant l’aventure semblent vraiment venir du style du dessinateur, puisqu’elle est clairement reconnaissable sur l’une des couvertures alternatives du #1.
Le second épisode propose également deux courtes histoires humoristiques d’une page chacune, la première mettant en scène le Docteur sous la forme d’une figurine, la seconde dans un dessin cartoony signé Neil Slorance sur des dialogues de Colin Bell. Petite plus-value sympathique, ces histoires reflètes bien le côté décalé dont la série se réclame par certains épisodes.
Un petit mot également sur les couvertures alternatives sur lesquelles Titan Books s’est lâché puisqu’on en compte pas moins de… trente-deux !!! Ce haut nombre a été atteint de manière artificiel puisque pas mal d’entre elles utilisent tout simplement des photos promotionnelles, une pratique à laquelle on coupe rarement lorsqu’il s’agit d’adaptation ; on retrouve également une blank cover à faire dessiner soi-même, la couverture principale réalisée par Alice X. Zhang est réutilisée avec un autre fond et les huit dernières destinées à des magasins et comic-shops précis sont des variations du même dessin de base avec sur chacune d’entre elles un ennemi emblématique différent sur la droite. Parmi toutes ces variant covers on remarquera notamment celle de Mariano Laclaustra qui prouve que l’on peut représenter une Clara vraiment ressemblante à l’originale et celle de Des Taylor qui parodie l’une des couvertures les plus reprises au monde que vous reconnaîtrez sans doute (et que je ne nommerai pas parce que j’ai l’impression de parler de cette histoire dès que j’écris un article sur le site ! Enfin bon, vu que je parle d’un voyageur temporel, ce n’est pas non plus illogique que ça vienne sur le tapi…), vous pourrez vous amusez à les rechercher dans la liste complète ci-dessous !
Pour le second épisode le choix aura été plus raisonnable puisque seule deux autres couvertures reprenant chacune l’un des deux protagonistes principaux sont proposées en plus de la principale, cette fois dessinée par The Coal Hill Gang, un mystérieux pseudonyme faisant allusion à la Coal Hill School où enseigne Clara. Ce modèle de trois couvertures dont deux utilisant des photos semble voué à être appliqué pour la suite puisqu’il s’appliquera également au troisième épisode, qui prendra cette fois-ci la forme d’une intrigue basé sur un voyage dans le temps sur Terre.
Avis plus grand à l’intérieur qu’à l’extérieur : Une régénération réussie dans l’ensemble pour Doctor Who: The Twelfth Doctor, le scénariste Robbie Morrison semble avoir immédiatement capté l’essence du nouveau Docteur et offre un début de prestation solide en optant pour une histoire construite sur le modèle habituel de la série avec les gimmicks habituels mais osant toutefois proposer un possible plan d’envergure qui donnerait l’idée que le titre ne serait peut-être pas totalement bloqué dans ses ambitions par les contraintes scénaristiques liés à la série télévisée. Si le traitement de Clara ne paraît pas forcément à la hauteur du personnage, elle n’est pas non plus totalement délaissée et le scénariste a encore les épisodes à venir pour se rattraper à ce sujet. Le véritable point noir de cette histoire vient des dessins, si l’on est habitué à voir des artistes novices être employés sur des exploitations de licence, le choix s’est porté ici sur un dessinateur expérimenté en la personne de Dave Taylor qui ne rend pas totalement hommage aux ambitions de Titan Books pour ce titre comme à son propre talent reconnu. Cela ne doit pas pour autant vous décourager de tenter l’expérience si vous être un véritable mordu des aventures du Seigneurs du Temps à la recherche d’un substitut en attendant son retour sur les écran ; si vous ne connaissez pas ou peu la série TV le récit sera loin d’être incompréhensible pour vous mais ne sera pas forcément la meilleure porte d’entrée qui soit pour découvrir cet univers même si les rappels de base sont là.
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