Lorsque l’on associe « comic-books mainstream » et « années 90 », on pense généralement à des héros aux proportions anatomiques sur-développées au-delà de la normale, surarmés, dessinés dans le style propre des artistes qui ont fondé le label Image en 1992.
Avant de prendre leur indépendance des grands éditeurs (les mauvaises langues diront que cette indépendance s’est également étendue à leurs propres séries qui semblaient se passer de scénarios, mais ce n’est pas le propos ici), les jeunes loups se sont faits les dents chez Marvel, et plus particulièrement chez les X-Men où ils introduisent plusieurs personnages de type « gros bras et gros flingues » qui ont eu leur heure de gloire dans la décennie de la dance music et des costumes couleurs poussin.
Si Cable reste le plus connu d’entre eux, apparu en 1990 dans New Mutants #86 sous la houlette de Louise Simonson et du très controversé Rob Liefeld, il est talonné dès l’année suivante par Bishop qui débarque avec grand fracas dans Uncanny X-Men #282.
Créé par un John Byrne de retour sur le titre depuis un numéro et un Whilce Portatio par encore parti fonder Image avec ses copains, Bishop est le premier membre important de l’équipe créé après le départ de Chris Claremont ; cela n’empêchera pas le plus grand scénariste des mutants (n’ayant pas peur de nos mots !) d’adopter le personnage lors de son retour dans les années 2000 et de même nous révéler son prénom, Lucas (quand même plus de dix ans avec juste un nom de famille !).
Chose importante pour l’époque, Bishop est noir, ce qui fait de lui le second personnage afro-américain à rejoindre les rangs des hommes de Xavier. Preuve s’il en est qu’il est un pur produit des années 90, il peut absorber de l’énergie pour la tirer en rafale… à travers des armes à feu…
Comme Cable, Bishop est grand, baraqué, utilise des (très) gros calibres et vient du futur, ou plutôt d’un futur possible comme les X-Men aiment à les collectionner depuis, le sien étant une espèce de variante de Days of Future Past où les mutants parqués dans les camps auraient fini par se révolter et regagner une place dans une société qui a toujours du mal à faire cohabiter les hommes et les surhommes.
Face aux problèmes d’intégration des minorités à pouvoir comme des activités super-vilaines une police mutante, la X.S.E. (pour Xavier’s Security Enforcers, ou une façon poétique d’allier les rêves pacifistes du père des X-Men et les manières plus musclées des anti-héros des 90’s), est créée avec dans ses rangs Bishop et ses amis Malcom et Randall qui débarquent dans le présent d’Uncanny X-Men #282 pour arrêter le mauvais mutant Trevor Fitzroy qui a remonté le temps dans l’épisode précédent pour trucider purement et simplement les Hellions.
Jean Grey manque d’ailleurs d’y passer, mais comme d’habitude avec elle la mort reste quelque chose de très relatif. La couverture, réalisée par Whilce Portacio avec l’assistance d’Art Thibert à l’encrage présente les trois flics de demain débarquant hors du portail temporel en tirant à tout-va, ce qui en dit long sur les méthodes musclées de cette version mutante de Timecop et/ou sur les habitudes de mise en scène de Portacio.
Les « Image boys » sont en effet coutumier des couvertures voire cases montrant leurs personnages prendre la pause dans des scènes d’action parfois sans queue ni tête et presque toujours surchargées, où tout le monde à l’air de taper sur tout le monde, à moins que ce ne soit l’inverse et que l’on ne sache pas trop qui fait quoi. Des problèmes de proportions viennent souvent s’y greffer, comme ici Bishop qui est surélevé par rapport à ses camarades de gâchette, comme s’il flottait ou que ses pieds étaient posés sur une plate-forme invisible. Je chipote un peu ici, chez Liefeld c’est souvent bien pire. Pour les complétistes, la couverture existe en deux versions, l’épisode ayant eu droit à une deuxième impression avec un fond doré, le dessin restant lui inchangé.
La couverture n’en produit pas moins son petit effet, on a littéralement l’impression que Bibi et ses amis vont sortir de la couverture pour tout casser. Les effets d’annonces textuels n’y sont pas pour rien, le lettreur Tom Orzechowski varie les polices et couleurs pour appuyer les éléments importants, histoire d’être sûr que ce coup-ci ce n’est pas du flan, « nothing will ever be the same » ! En effet, plus rien ne sera jamais comme avant, les X-Men auront maintenant un nouveau membre… Qui en plus leur annonce que la légende prétend qu’il y a un traitre parmi eux !… chose qui ne sera réglé que dans la douleur et le rapiéçage scénaristique des années plus tard avec Onslaught… et finalement très récemment (au tournant des années 2000/2010) où les différentes sagas du Messie puiseront des éléments dans le futur de Bishop.
Il y a donc un réel impact visuel qui vaudra à la couverture d’être utilisée comme modèle pour d’autres… mais toujours uniquement pour des histoires concernant Bishop. La première réutilisation survient en décembre 2000 avec la couverture de X-Men Unlimited #29 dessinée par Bret Booth. Bishop est toujours à l’arrière-plan dans le portail temporel, jouant à faire des effets de lumière avec ses mains, tandis que Malcolm et Randall ont laissé leur place à Rogue et Warbird (le nom de code auquel répondait Carol Danvers à l’époque), cette dernière occupant cette fois-ci le rôle de celle qui tire hors-champs.
On nous annonce que « Bishop is back », tout simple parce qu’il rejoint à nouveau l’équipe des X-Men sur Terre après un voyage à travers le temps et l’espace dans sa propre série Bishop the Last X-Man. Et oui, Bishop avait été à la fin des années 90 assez populaire pour avoir droit à sa propre série, et ce précédée de plusieurs mini-séries ! D’une durée de seize épisodes, Bishop the Last X-Man s’arrête le mois suivant son retour sur Terre mais sera encore suivie de la mini-série Gambit & Bishop qui sera le chant du cygne final des séries consacrés aux héros made in 90’s. Le retour de Bishop auprès de ses coéquipiers mutants s’effectue ici dans le cadre du crossover Maximum Security, que tout le monde a commencé à oublier avant même qu’il ne soit achevé, la seule chose à en retenir étant que suite à ce fiasco Marvel ne fera plus de gros event touchant l’ensemble de son catalogue avant House of M en 2004.
Après quelques années d’accalmie, Marvel retourne à ses bonnes vieilles habitudes dès 2004, relance à l’occasion d’une redéfinition des titres mutants toute une série de spin-offs consacrés à des personnages en solitaires comme Rogue ou Nightcrawler.
Bishop se retrouve en haut de l’affiche de District X, une série très courte (2004-2006) s’achevant en 2006 avec House of M à travers la mini-série Mutopia X dans laquelle le flic du futur opère dans un quartier de New York peuplé de mutants. Apparaissant ensuite uniquement dans les pages des X-Men, les scénaristes décident de lui faire littéralement péter les plombs avec le crossover Messiah Complex durant lequel il tente d’assassiner la nouveau-née censée sauver la race mutante, convaincu qu’elle entrainera l’avènement du futur dont il est originaire.
Le traitement de Bishop depuis cette époque a été très critiqué par les lecteurs, mais nous mène ici à la troisième couverture qui nous intéresse : celle de X-Men: The Times and Life of Lucas Bishop #3. Acte final d’une mini-série (la dernière jusqu’à présent à mettre Bishop en avant) de 2009 toujours inédite en France revenant sur la vie et l’œuvre du grand Lucas. C’est Ariel Olivetti qui réalise la couverture dans son style peint unique, reconnaissable au premier coup d’œil. Les places inférieures sont cette fois-ci occupées par Cable armé comme souvent d’un gros flingue et Cyclops tirant une rafale optique, chacun habillés de leurs costumes des années 90. Si ce lien à cette décennie ne suffisait pas, l’épisode est titré « And Nothing Will Ever Be the Same », un bon clin d’œil à la couverture d’Uncanny X-Men #282.
La première apparition de Bishop n’aura pas inspirée que des couvertures. Dès 1992 le dessinateur Joe Jusko l’utilise comme modèle pour la carte dédié au mutant de demain pour la collection Marvel Masterpieces qui fut éditée de 1992 à 2008. La filiation est totalement assumée, la couverture d’Uncanny X-Men #282 figurant même à l’arrière de la carte à côté des informations données sur le personnage en qualité de première apparition du mutant.
On retrouve peut-être un peu aussi d’Uncanny X-Men #282 lorsque Bishop apparaît pour la première fois dans l’univers Ultimate vers la fin d’Ultimate X-Men #76 dessiné par Ben Oliver et écrit par Robert Kirkman, ce dernier n’ayant alors pas encore juré fidélité absolue à Image. Le portail temporel est toujours là, l’arme au point également (bon, ok, sur les couvertures il envoyait des l’énergie avec ses mains), tout comme le sentiment d’urgence suscité par son irruption inattendue face aux X-Men.
Relativement inconnu du grand public, Bishop aura su se faire connaître d’une plus grande audience récemment par son apparition dans le film X-Men: Days of Future Past sous les traits de notre Omar Sy national où le personnage ne remonte pas le temps, mais a quand même un gros flingue.
Un retour à prévoir pour le futur de la franchise, avec pourquoi pas dans sauts à travers le portail temporel ? C’est tout le mal que l’on souhaite à l’acteur français qui monte à Hollywood !
Des gros bras et des gros guns.
L’homoérotisme du temps où les mecs étaient de vrais mecs semble loin. Mais heureusement que comme eux ont peut voyager dans le temps, en relisant d’anciens numéros.
Même si on est loin des exagérations de l’époque, les super-héros actuels restent quand même des abonnés de la salle de muscu’ pour la plupart.
J’aimais biein Bishop. Il me faisait penser à Rachel pendant ces problèmes acculturation. Je me rappelle avoir jubiler lors du premier épisode d’Onslaught où tout me semblait raccord avec le traître des Xmen. La suite fut moins glorieuse…
Bishop a été massacré comme Gambit et on ne l’ pas vu durant la Saga du Phoenix où il aurait eu toute sa place.
Merci pour l’article MArti.
Comme on est dans le monde magique des comics où quasiment toutes les rédemptions sont possibles, je rêve de voir un jour un scénariste réhabiliter Bishop qui finalement est un personnage bien plus intéressant qu’il n’y paraît de prime abord.
De quel saga du Phoenix parles-tu ? Les Phoenix Five durant AvX ?
Yep! Il est où Bishop pendant le crossover ?
Il se baladait dans le temps je crois, mais il est depuis revenu dans Uncanny X-Force. Par contre après le crossover Vendetta qui vient de s’achever en VF je n’ai aucune idée de ce qu’il devient.