Crédits :
Scénario : Izou Hashimoto & Akio Tanaka
Dessin : Akio Tanaka
Titre original : Shamo
Éditeur VF : Akata/Delcourt
Nombre de volumes parus en VF : 24
Sortie du prochain tome : 15 mai 2013
Sollicitation : Ryô Narushima, 16 ans, est le meurtrier de ses parents, de riches bourgeois. Coq de combat, nous fait découvrir ce garçon au moment où il entre en maison de correction. Victime des brimades les plus dures, il fait la connaissance d’un étrange professeur d’arts martiaux. Cette rencontre et une dernière entrevue avec sa soeur vont le transformer et l’esprit du combat va donner un sens à sa vie… Œuvre sociale, politique et bande dessinée d’art martial, Coq de combat nous entraine dans le parcours du pire des antihéros. Son incroyable rage de vivre le conduira des combats clandestins les plus sordides aux feux des projecteurs des compétitions de M.M.A.
Avis : après plusieurs longues années d’absence, le manga Coq de combat a fait son retour en France comme au Japon l’année dernière. La mise en hiatus de l’oeuvre n’avait rien à voir avec un manque de succès, bien au contraire, mais était uniquement due à la bataille judiciaire qui opposait les deux auteurs. Sans entrer dans les détails, Akio Tanaka revendiquait la paternité du manga, prétextant que Hashimoto n’avait rédigé qu’un pitch rapide et général et qu’il avait écrit tout le reste. L’affaire a été réglé et désormais Tanaka est le seul auteur crédité au scénario comme au dessin.
Scénario : au vu du résumé de la série on pourrait penser que Coq de combat est une histoire de rédemption alors que pas du tout. Il est vrai que Ryo découvre le karaté en prison qui lui permet de survivre à ses agresseurs, mais si cet art martial lui ouvre une voie ce n’est pas un chemin lumineux.
Au crédit de la sollicitation, elle met le doigt sur ce que crois être le coeur de ce manga : la rage de vivre du personnage. Il faut être clair, le personnage n’est en rien sympathique il n’ a rien d’un anti-héros car il ne recherche que son intérêt et s’il doit blesser des gens innocents en cours de route, il n’en a rien à foutre. Pourtant malgré les actes horribles qu’il peut commettre au fil de la série, on ne peut s’empêcher d’être fasciné par son parcours et on se surprend malgré nous à le soutenir dans certains de ces combats.
A peine sorti de prison, Ryo va vite bosser pour la pègre comme homme de main, comme gigolo pour des femmes riches mariées et d’un âge avancé et se livrer à des combats interdits pour faire vivre son art qui n’existe que dans une violence sanglante. Mais tout cela va passer au second plan lorsqu’il découvre Naoto Sugarawa. Dans un manga shonen normal, ce dernier aurait été le héros : issu d’un milieu pauvre ce n’est que grâce à son talent et ses efforts qu’il parvient au sommet de la discipline On comprend vite qu’avec ce personnage, les auteurs ont crée l’exact opposé de Ryo.
Là où Ryo est issu d’un milieu riche qu’il détruit, Naoto est issu d’un milieu pauvre dont il va s’élever par le travail. Naoto est un poids lourd, Ryo un poids léger. Il est un roc, Il est une lame de couteau aiguisée prête à trancher. Il est la lumière alors que Ryo s’abandonne volontiers au ténèbres.
Très vite Ryo va devenir obsédé par ce rival qu’il n’a jamais rencontré et qui se trouve presque dans un autre monde. Alors que Naoto vit dans les hautes sphères de la société, que ses talents et ses combats lui rapportent argent et respect, Ryo vit dans la face sombre du Japon, ses ruelles puantes, ses villes gangrenées où la violence qu’il exerce lui valent peur et haine.
Le personnage ne va dès lors avoir de cesse de provoquer le champion pour qu’il accepte de le rencontrer dans un match officiel, malgré leur différence de gabarit. Pour cela il ne reculera devant rien y compris se livrer aux pires exactions contre l’entourage de son rival. Poussé à bout ce dernier finit par accepter.
Débute alors un long match qui va s’étaler sur pas moins de 4 volumes, les 9 à 13. Sans hésitation cette confrontation représente le paroxysme de la série, si bien que même si elle est restée de qualité par la suite, elle n’a jamais vraiment retrouver la tension et la maestria de ce combat tant physique que psychologique. En fait je pense vraiment que la série aurait pu s’achever sur ce combat, mais le succès du bouquin a poussé les éditeur et auteur à allonger le récit. Malgré cela le titre reste de qualité en prenant des routes assez inattendues.
A la suite de long arc « Sugarawa ». L’auteur a déplacé Ryo en Chine pendant 3 tomes pour une espèce d’hommage aux films de Kung Fu d’Hong Kong (ceux de la grande époque, j’entends). Bien qu’assez décalé, l’arc en lui même n’apporte pas grand chose, à part de laisser Ryo dans un sale état, mais ne l’était-il pas déjà au départ ?
Ensuite l’histoire abandonne Ryo pendant plusieurs tomes, du 17 au 19, pour développer celui qui va être son opposant dans le dernier arc en date, qui va organiser un tournoi avec les meilleurs combattants, dont lui même et auquel il conviera le personnage. Si la thématique du tournoi, traditionnelle dans le genre du shonen ne m’a guère enthousiasmé au départ, l’auteur a pris un parti intéressant en renversant la relation entre Ryo et son rival.
En effet dans le premier arc c’est Ryo qui est obsédé par Naoto, si bien qu’il ne cesse de le provoquer. Ici l’obsession est inversée, puisque c’est le nouvel opposant qui va aller sortir le personnage du trou dans lequel il était tombé, soit disant pour le sauver. Dans le même temps l’auteur n’abandonne pas Naoto Sugarawa et on sent bien que la conclusion du manga portera sur l’ultime rencontre entre ces deux là.
Autant le dire, Coq de combat n’est pas pour les âmes sensibles. Violent, choquant, je peux vous garantir que chaque volume va vous procurer votre dose d’adrénaline et de malaise du mois ! J’ai moi même failli lâcher la série après la lecture du volume 7 car l’auteur allait très très loin. Mais je me suis accroché, mon estomac aussi, et je ne le regrette pas.
Coq de combat débute donc dans le sang et le sordide après le parricide commis par Ryo Narushima et poursuit sa route dans le sang. En effet après 24 volumes parus, en France et 28 au Japon, Ryo ne montre pas le moindre regret pour les actions qu’il a commise, en fait le personnage ne regarde jamais réellement derrière lui, toujours obsédé par ce qui est devant lui.
En termes de rythme du récit on remarquera que l’auteur adopte souvent une narration très lente, pas décompressée mais décomposée. Il prend clairement son temps que ce soit dans les affrontements physiques mais aussi dans les dialogues et fait souvent appel à des métaphores graphiques. Autant le dire cette lenteur volontaire est parfois frustrante mais en général l’auteur sait ce qu’il fait, si bien que ce choix de narration est toujours payant. Mais il est évident que le lecture chapitre par chapitre doit être très difficile, alors que la lecture en tome est bien plus agréable.
Dessin : le dessin sert à la perfection cette narration décomposée. Le trait de Tanaka est particulièrement adapté au récit et sa mise en scène cinématographique ne cesse de s’améliorer au fur et à mesure que l’histoire avance. De fait la lecture des affrontements se révèle en général très fluide et compréhensible.
Note : 9,5/10 – une oeuvre dure, violente, et aiguisée comme un couteau à ne pas mettre entre toutes les mains. Je crains cependant que le manga ne dure trop lontemps en raison de son succès commercial.
Très bonne série.
Les premiers tomes sont une critique de l’aspect commercial et hypocrite des sports de combats par rapport aux antiques arts martiaux. Brutaux, sans règles mais purs dans leur intention. Pas de gentil, pas de méchants. Celui qui a raison, qui écrit l’histoire est celui qui « survit ».
Le mentor de Ryo est d’ailleurs fascinant. Une mise en abime du statut du vieux maîtres des Shonen. Pourquoi un terroriste d’extrême droite prends sous son aile un cas social parricide ?
La réponse est terriblement évidente…