Beaucoup d’encre a coulé pour parler de la dernière « super-production » des studios Warner Bros, tant et si bien que le film a fini par couler lui-même. Mais est-ce la faute de l’œuvre en elle-même si Green Lantern n’a pas réussi à trouver son public, ou celle des critiques acerbes qui ont torpillé le film en bloc ? Analyse d’un échec démérité.
Il faut l’avouer, Green Lantern n’est pas un chef d’œuvre. Il possède nombre de défauts, dont les plus évidents sont faciles à énumérer : un scénario usé jusqu’à la corde, une réalisation approximative, des personnages stéréotypés, et des effets spéciaux inégaux. Revenons maintenant sur ces points pour démêler le vrai du faux.
Le scénario
Autant le dire tout de suite, le scénario de Green Lantern n’est pas d’une franche originalité. On peut même y retrouver la construction typique de tout conte classique : exposition (la dérive d’Hal Jordan), élément perturbateur (la menace Parallax et le legs de l’anneau d’Abin Sur à Jordan), action (le héros prends son destin en main), résolution (Hal Jordan vainc Parallax) et finalement, la situation finale (Hal Jordan a remis de l’ordre dans sa vie). À voir cette structure narrative respectée au millimètre près, on devine que le film cherche à faire dans la simplicité pour plaire au plus grand nombre. Pas de demi-mesure donc dans ce film qui fait preuve d’un manichéisme lourdaud. Entre un conte gentillet comme Green Lantern et une fable sombre comme Batman : The Dark Knight, il y a décidément tout un univers.
OUI, MAIS…
Prétendre que l’histoire du film est d’un classique pompeux serait faire preuve d’auto-superficialité. Non seulement Green Lantern reprend le schéma des contes classiques, mais il dépoussière du même coup ces contes en les modernisant de manière réfléchie. En effet, l’histoire racontée ici est l’actualisation (l’anticipation, même) d’un roman courtois, une chanson de geste, avec un chevalier (Hal Jordan), une princesse (Carol Ferris) et un royaume à délivrer (la Terre) de l’infâme dragon (Parallax). La transposition semble plutôt réussie, et l’on peut encore approfondir l’analogie. Ainsi, après avoir reçu une arme magique (l’anneau) dont il ne semble pas digne des mains d’un être sage (Abin Sur), l’apprenti chevalier issu d’une lignée noble (le père, lui aussi pilote), devra passer une série d’épreuves (l’entraînement par Kilowog et Sinestro, sorte de joute moderne) et de hauts faits (la scène de l’hélicoptère), puis faire pénitence (Hal Jordan avoue ses faiblesses humaines) avant de prêter allégeance au corps (le serment des Green Lanterns) et d’être finalement sacré chevalier (la reconnaissance de ses pairs). Alors, quel mal y a-t-il à ce que Hal Jordan soit le nouvel Arthur des temps modernes ? Beaucoup de grandes histoires de science-fiction et de fantasy reposent d’ailleurs sur cette idée, et si y vous trouvez des similitudes avec Le Seigneur des anneaux ou Star Wars, ce n’est pas tout à fait par hasard. Quant à la vision manichéenne du monde, il est évident que la cible visée par le film est avant tout le jeune public, d’où une simplification des concepts. Oui, Green Lantern n’est pas Batman, tout simplement parce le Graal du chevalier noir est la justice, alors que la quête du chevalier d’émeraude est la volonté.
La réalisation
Concernant la réalisation, on aurait certes pu attendre mieux de la part de Martin Campbell, réalisateur entre autres de l’excellent Casino Royale en 2006. Ici, le travail semble bâclé et d’une linéarité ennuyeuse. De plus, le montage est cahotique, voire confus. Le film aurait pu se terminer sur l’intégration définitive du terrien dans le corps des Green Lanterns, mais non ! La dernière séquence (ou presque) du film sera celle de l’amour retrouvé entre Jordan et Carol Ferris, scène mièvre au possible dont on avait déjà eu droit dans le Spider-Man premier du nom, de Sam Raimi.
OUI, MAIS…
Peut-on attribuer tous les défauts du film à la seule faute du réalisateur ? Ce serait accorder au metteur en scène plus d’importance qu’il n’en a en réalité. Sur une telle adaptation, avec un personnage appartenant à une franchise, une licence et surtout un studio, les pleins pouvoirs n’appartiennent pas au réalisateur, mais bien aux producteurs qui décident de la version finale du film. D’où peut-être ce côté fleur bleue pour plaire aussi à un éventuel public féminin. Et quand bien même le réalisateur voudrait s’opposer au choix des producteurs, Martin Campbell n’est pas Zack Snyder ni Christopher Nolan. Autant dire qu’il n’a plus vraiment le poids qu’il pouvait avoir il y a encore une dizaine d’années et que cela s’en ressent au résultat final. Il ne faut pas non plus oublier que le film est le fruit du travail de quatre scénaristes (oserais-je un « trois de trop » ?), dont Greg Berlanti, co-scénariste et producteur du film (et notamment auteur de la très moyenne série familiale No Ordinary Family pour ABC), qui occupait initialement le fauteuil du réal’ avant que le rôle n’échoue à un autre. Son triple statut lui a sûrement permis de donner au film la direction qu’il désirait, et d’en conserver les grandes lignes après son départ du poste de « movie director », malgré les plausibles tentatives de remaniement de Campbell. Même si le britannique a sûrement accepté le film pour des raisons alimentaires plus que par passion pour le personnage, il n’est pas improbable de voir un jour fleurir une version Director’s Cut du film, avec une version remontée et – croisons les doigts – une bonne dose d’images inédites (vingt minutes minimum, hein ! Pas dix seconde…).
Les personnages
Que dire exactement sur les personnages, sinon qu’ils sont des caricatures d’eux-mêmes, à la limite de l’auto-parodie ? Hal Jordan est une copie à peine voilée du Maverick de Top Gun, l’humour en plus. Cet effronté impulsif à qui l’on offre une bague capable de matérialiser les pensées, ne trouve pas mieux que des poings géants, des avions de chasse et des catapultes pour affronter son ennemi. Carol Ferris, échappant de peu au rôle de potiche grâce à ses rares prises de position, n’a qu’un rôle de faire-valoir dans le film, tout comme des personnages à première vue intéressants : Abin Sur, Tomar-Re et Kilowog. Sinestro quant à lui, est le personnage le plus prometteur. Bien que son visage de synthèse lui donne un air inexpressif plus qu’ambigu, il tient bien son rôle de leader autoproclamé des Green Lanterns, et l’on n’attend qu’une chose : une confrontation avec Hal Jordan… qui déçoit au final, la scène manquant de punch et Sinestro d’enthousiasme. Enfin, comment ne pas parler du gros ratage que sont les deux vilains du film ? Hector Hammond est d’un ridicule absolu. Mal amené, mal joué, il devient malgré lui le bouffon bouffi à biffer à coups de baffes. Quant à Parallax… Les mots me manquent pour qualifier ce qui a été fait de l’entité de la peur à l’écran. Je n’irais pas jusqu’à dire – comme certains pseudo journalistes de la presse écrite – que ce personnage n’est qu’un étron, mais la forme qu’il revêt est bien moins effrayante que l’entité apparue dans les pages de la bande dessinée (encore que j’aimerais pas le croiser dans une ruelle sombre…). Si le monstre donnera sûrement des cauchemars aux plus jeunes, d’autres s’indigneront que le combat final soit une grotesque fumisterie. On peut en tout cas lui reprocher de ne pas être à la hauteur du reste du film.
OUI, MAIS…
Certes, Ryan Reynolds interprète un Hal Jordan irritant au possible. Mais il ne faut pas oublier que c’est le personnage même des comics qui est fait ainsi, imprévisible et direct (ce qui explique au passage le côté pragmatique de ses constructions de lumière). Carol Ferris elle aussi est assez proche de son personnage de papier : une fille au caractère fort qui ose tenir tête à Jordan. Abin Sur est le personnage qui aurait mérité plus de scènes, son rôle de père de substitution lui donnant une seconde chance n’étant qu’à peine suggéré dans le film. Mais là encore, le personnage reste fidèle à son double des comics : un héros nimbé de mystère dont le passé reste à découvrir. Pour Kilowog et Tomar-Re, on peut regretter leur présence trop discrète, mais ce film étant un « chapitre » d’exposition des personnages, ils ne peuvent que s’effacer devant Hal Jordan[1]. Concernant Sinestro, s’il paraît assez réservé dans le film, la scène post-générique lui assure pratiquement le rôle principal pour le prochain film. Si l’on s’en réfère aux comics, le second volet de Green Lantern pourrait donc être le film de la consécration pour la franchise. Enfin, que dire des vilains aperçus dans le film ? Oui, Hector Hammond est une parodie de méchant mais au final, le Hammond du film paraît presque plus réussi (même s’il reste l’Igor de son Frankenstein, le Reinfield de son Dracula) que celui de la bande dessinée, déjà bien grotesque et que même Geoff Johns n’a pas réussi à rendre intéressant. Et pour Parallax ? Si son aspect et sa dissemblance par rapport à la vision des comics ont été vivement critiqués, c’est en partie parce que le résultat vu dans le film est en réalité la synthèse de trois vilains de la franchise Green Lantern. Tout d’abord, l’entité Parallax elle-même, que nous n’avons pas réellement aperçu dans le film, et qui pourrait bien faire un retour fracassant dans une potentielle suite, sauvant ainsi sa dignité. Ensuite, Krona, le gardien renégat dont le nom n’a pas été prononcé, et qu’on ne reverra sûrement pas dans les séquelles du film, son personnage étant vraiment complexe. Enfin, et c’est là le plus important, le dernier vilain dont est inspiré le méchant principal du film s’appelle Legion, un personnage assez méconnu, aperçu dans les pages de la mini-série Green Lantern : Emerald Dawn en 1989. C’est sur cet ennemi qu’était basée la première mouture du scénario du film, avant que celui-ci ne soit remanié à plusieurs reprises. Si la majorité des références ont donc changé, l’idée d’un monstre « blobesque » assimilant l’esprit de ceux qu’il absorbe est restée, pour donner plus de tangibilité et de laideur à l’entité. Que l’idée soit justifiée ou non, cela reste discutable. Mais les critiques trop rapides à fustiger le personnage n’ont certainement pas compris la référence.
Les effets spéciaux
Alors là, pour une fois que l’on peut dire du bien du film, on ne va pas s’en priver ! Les effets spéciaux sont pour beaucoup le seul véritable point positif du film, et le sauverait presque du statut de nanar complet. Tout d’abord, les décors extérieurs sont magnifiques, surtout ceux dans l’espace, dus au talent de Grant Major, chef décorateur de renommée internationale. On reconnaît bien ici la patte du responsable des décors de la trilogie cinématographique du Seigneur des Anneaux, notamment dans la tour des gardiens d’Oa, vestige canonique d’une autre civilisation, dont la meurtrissure seule suffit à stimuler notre imagination. Il n’empêche que si les décors et les extra-terrestres sont parfaitement réussis, le costume d’Hal Jordan en chevalier d’émeraude l’est nettement moins. Sur certains plans, le costume scintille comme un sapin la veille de Noël, conférant une vie propre au costume, alors que sur d’autres plans, il reste terne et inanimé. Serait-ce un oubli de l’équipe des effets spéciaux ? L’autre point négatif reste le masque du super-héros, qui continue de faire tâche, malgré les protestations des fans après les premiers aperçus. L’effet est surtout dû à cette espèce de couvre-nez qui donne au visage de Hal Jordan une forme assez curieuse, comme si on l’avait doté d’un bec de canard. Et que dire des yeux du héros qui changent de couleur ? Si les iris des personnes possédées par l’entité jaune deviennent jaunes, pourquoi ceux des personnes qui acquièrent les pouvoirs de l’entité verte deviennent… bleus ? Vaste question laissée sans réponse. Il semble donc qu’il y ait eu deux équipes chargées des effets spéciaux sur le film : d’un côté des passionnés qui ont sué sang et eau pour nous offrir des décors et des extra-terrestres fignolés, de l’autre des intérimaires paresseux qui étaient trop occupés à la machine à café pour rendre un travail correct à temps. Dommage…
OUI, MAIS…
Que les critiques soient dans l’ensemble positives sur un point du film, on ne va pas s’en plaindre. Les paysages intergalactiques sont effectivement sublimes, et les aliens bien travaillés et fidèles à la multitude de races extra-terrestres aperçues au fil des pages du comic-book depuis sa création. Il est en revanche malheureux que certains plans du costume aient été oubliés d’être retravaillés, malgré les neufs millions de dollars alloués pour remédier à ces détails. Le problème des yeux est pour le coup inexplicable, et le masque une erreur notable. Ce sont pour moi les seuls défauts graves du film. Sur ce dernier point cependant, il faut noter que les responsables ont voulu coller au masque aperçu dans la première version du comic-book, inspiré d’un loup vénitien classique. Si le rendu est malheureux, sont-ce les effets spéciaux qui sont à blâmer, ou le nez de l’acteur qui, s’il eut été formé autrement, aurait lui aussi changé la face du monde ? En tout cas, les créateurs du film ont choisi le parti pris d’en rire, puisque dans une scène du film contrastant fortement avec l’esprit fleur bleue du reste du film, Carol Ferris démasque Hal Jordan, au propre comme au figuré. Le mythe du super-héros méconnaissable derrière son masque de latex et sa mèche de cheveux gominée est enfin tombée, et c’est tant mieux ! Concernant le costume, l’idée là aussi était de coller à la vision du comic-book, et cette idée géniale d’un costume fait d’énergie pure. D’où le fait que le costume disparaisse quand on retire la bague. Les fans auraient-ils été plus satisfaits d’un ridicule collant en spandex ?
Conclusion
Green Lantern, se révèle donc être une adaptation cinématographique qui respecte plus que l’on ne croit la franchise dont elle s’inspire, tant et si bien qu’on aurait parfois aimé plus de prises de liberté sur certains détails, et un strict respect du concept original sur d’autres. Si le film emprunte beaucoup à l’arc Secret Origins de Geoff Johns, ce serait ignorer que l’histoire de l’auteur est une réécriture de la mini-série Emerald Dawn (de Jim Owsley, Keith Giffen et Gerard Jones au scénario, et Mark Bright et le même Keith Giffen aux dessins), elle-même une modernisation de la première version du Green Lantern de l’Âge d’Argent créé par John Broome et Gil Kane en 1959 (elle-même une réinterprétation du Green Lantern de l’Âge d’Or des comics…). Critiquer le film en se basant seulement sur une histoire actuelle serait donc ignorer les nombreuses aventures du héros depuis plus d’un demi-siècle, et tous les changements qu’il a connu jusqu’à aujourd’hui, faisant de lui un personnage complexe et non superficiel.
En définitive, le film est pour moi à la franchise Green Lantern ce que Batman Begins est à la franchise Batman, un film d’exposition tout juste convenable. Un brouillon réussi, comme la promesse d’un prochain film aux erreurs retenues, à l’action débridée, et à l’ambiance exaltée. Pour peu qu’on lui donne la chance de voir le jour, un réalisateur passionné et un budget renforcé, Green Lantern II pourrait être le quasi chef d’œuvre que l’on attendait pour cette fois-ci. D’autant qu’au niveau du scénario, s’il est écrit par quelqu’un de compétent, le meilleur reste à venir, puisque l’univers des Green Lanterns reste à explorer, et est rempli de personnages haut en couleurs et de très bonnes histoires.
Et si par malheur, aucune nouvelle adaptation du héros ne devait voir le jour dans les salles obscures, je me consolerai pour ma part avec un bon arc de mon comic-book préféré et un serment qui donnerait à peu près ceci :
« En plein jour comme dans la nuit noire
Nul film n’est une meilleure histoire
Que celles, dans ces pages, découvertes
De la série de la lanterne verte ! »
[1] Détail intéressant cela dit, la visite de Tomar-Re à Hal Jordan sur Oa est une nouvelle preuve de respect de l’œuvre originale de 1959, puisque si l’on excepte Abin Sur, l’alien à tête de piaf est le premier Green Lantern rencontré par Hal Jordan lors de ses aventures (dans le Green Lantern vol.1 #6).
Ca fait plaisir de lire une critique qui prend réellement tout les éléments en compte et qui ne descend pas le film bêtement.
Merci Jean-Lau, je me sens moins seul !
« Bien que son visage de synthese, lui donne un air inexepressif, plus qu’ambigu »… Ce ne serait pas de « prothese », plutot? Marc Strong, fait partie des rares personnes a avoir ete maquille et « prothese » pour les besoins du film 😉
Ca rassure d’avoir un article « constructif » dans la reflexion, concernant GL. J’en etais meme a me demander si on allait pas organiser une chasse aux sorcieres, tellement les critiques (US comme FR) le descendait en fleche!!!
Ceci dit, GL n’est pas un chef d’oeuvre, en soit, car bcp de defaut, mais le meilleur ne reste-t-il pas a venir? Ce n’est que le 1er volet. Le 2nd ne pourra en etre que mieux (esperons-le 🙂 )
Personnellement, j’ai trouvé Sinestro tout à fait convainquant. Il n’est pas forcément toujours expressif dans le comics non plus. Avant d’être dans le Yellow Corps, il cache plutot bien son jeu même je dirais. Il est froid et distant, et c’est ce que m’inspire on aspect dans le film. J’ai bien aimé le personnage.
J’ai trouvé le film assez représentatif de ce qu’est green lantern depuis ~2004, même si des défauts y en a des tonnes : blake lively est horrible, ryan reynolds me fait plus penser à kyle rayner qu’à hal, parallax le gardien rénégat est une très mauvaise idée… Même ma copine qui découvre les comics depuis très peu a trouvé le film sympa.
Je comprends pas pourquoi le film s’est fait défoncer par tout le monde. Loin d’être excellent, c’est un film tout à fait fréquentable, à l’inverse du minable xmen first class, qui lui a été encensé…
Blake Lively n’est pas horrible. Sa doubleuse l’est. Je trouve qu’elle incarne bien Carol, même si on peut toujours lui reprocher un manque de « tranchant ». Enfin ce n’est que mon avis. Quand à parallax en gardien renégat, oui, c’est pas terrible !
en fait aucun rapport avec le film, je supporte pas blake lively quoi qu’elle fasse, et ce depuis la première fois où je l’ai vue dans gossip girl 🙂
Je te rassure, ca n’enleve rien a la qualite du film…. :p
Tout à fait d’accord avec le fait que Batman Begins est lui aussi un film très très moyen. Pour une fois que je trouve quelqu’un de d’accord avec moi! Le suivant par contre est très bon. Donc espérons que Green Lantern suive le même modèle!