Le docteur Henry « Hank » Pym, alias le premier Ant-Man avant de se lancer dans le record du monde de changement d’identité super-héroïque[1], est un peu le mal-aimé des héros Marvel de l’Âge d’argent : membre fondateur des Avengers et scientifique de renom rivalisant avec les plus grand, il n’a pourtant jamais réussi à avoir une série régulière à son nom une fois son segment dans Tales to Astonish[2] terminé et reste éternellement catalogué comme le super-héros ayant frappé Janet van Dyne, alias la Guêpe, alors qu’elle était sa partenaire dans la vie comme dans le combat contre le crime. Acte malheureux issu de troubles mentaux dus à ses pouvoirs, cette action va définir pour de bon Hank Pym comme un héros qui n’arrive pas à se reconstruire de manière cyclique, chaque réhabilitation du personnage (tout comme ses rabibochages avec Janet) finissant inexorablement par un retour à la case départ dès le scénariste suivant. Les drames conjugaux ne datent pour autant pas pour autant de ses accès de folie furieuse envers la Guêpe dans Avengers #213 puisque l’apparition de celle-ci dans Tales to Astonish #44 s’ouvrait sur un Hank se remémorant la mort de sa première épouse ! Le docteur Pym est en effet veuf d’une certaine Maria Trovaya[3], assassinée par le gouvernement communiste à tendance totalitaire de sa Hongrie natale qui souhaitait envoyer un message à tous ses habitants souhaitant se jeter dans les bras de l’ennemi au-delà du Mur de Fer (les méchants soviétiques étaient alors des ennemis récurrents). Passé cet épisode Maria ne devient guère plus qu’une note de bas de page connu de quelques rares initiés, la simple mention de son existence se comptant sur les doigts d’une main pendant plus de vingt ans. La première épouse d’un Avenger important morte sans que l’on n’ait jamais vu de cadavre ? Voilà une histoire qui ne demandait qu’à être un jour approfondie !
Il faut attendre 1988 pour que le scénariste Steve Englehart se décide à ressortir Maria des limbes où elle se trouvait depuis sa première – et plus ou moins unique hormis l’une ou l’autre simple mention – apparition dans la conclusion d’un arc de la série West Coast Avengers courant des numéros 33 à 36. Hank Pym, ayant mis au placard son costume du moment pour jouer les simples super-scientifiques, découvre dans une base de données soviétique que Maria est peut-être toujours en vie. Après avoir utilisé la Guêpe à qui il fait littéralement pousser des antennes pour communiquer avec les insectes (une bizarrerie plus jamais vraiment évoquée ensuite) et affronté quelques ennemis issus de sa galerie de vilains comme les Beasts of Berlin (des super-singes soviétiques !), El Toro, Madam X ou encore The Voice, Hank finit par retrouver sa première épouse dans une posture plutôt étrange dans West Coast Avengers #36 : attachée à une chaise dans un état catatonique… dû à son cerveau devenu gros de plusieurs mètres cubes au point d’être contenu dans un énorme récipient de verre ! Captive des autorités hongroises qui ont simulé sa mort afin qu’elle poursuivre l’œuvre de son père, énième scientifique de génie de l’univers Marvel, celles-ci ont amélioré ses capacités mentales à l’aide du processus ayant créé MODOK, ce qui a eu comme fâcheux effet secondaire la poussée de croissance volumineuse de sa matière grise. Celle-ci peut toutefois communiquer avec lui à l’aide d’un ordinateur et semble avoir gagné quelques pouvoirs mentaux qu’elle utilise en bon deus ex machina tout ce qu’il y a de plus classique pour stopper les innombrables ennemis qui menaces alors les Avengers. Ces retrouvailles poussent Pym à quitter l’équipe afin de tenter de rendre son apparence normale à Maria, ce qui ne l’empêche pas de draguer au passage la Guêpe ; les deux anciens amants se réjouissent de cette découvre, signifiant que légalement leur mariage n’aurait jamais pu être prononcé tout comme le divorce qui en a découlé, ce qui symboliquement représente une possibilité de nouveau départ pour eux !
Pym n’est pas le seul à quitter le titre puisqu’il est très vite suivi par Steve Englehart dont le #39 est le dernier numéro qu’il écrit en tant que scénariste régulier. Son successeur à cette fonction est John Byrne à partir du #42[4] qui ne semble pas avoir apprécié ce départ puisqu’il rapatrie derechef le scientifique dans l’équipe. Ce retour plus rapide que prévu a été préparé en amont dans un arc publié dans les segments consacrés à Hawkeye dans Solo Avengers #14-16, cette série ayant la particularité de proposer alors chaque mois une histoire parfois à suivre consacrée à l’arc et une seconde à un autre Avenger. Écrit par Tom DeFalco et dessiné par Al Milgrom assisté de Jose Marzan à l’encrage, ce triptyque voit Hawkeye et Black Widow affronter l’AIM et secourir au passage Hank Pym détenu comme prisonnier et remplacé au passage par un sosie robotique suite à une terrible révélation : Maria est en fait un de leurs super-agents répondant au doux nom de SODAM ! Ce nom au goût plus que douteux est en fait un acronyme (Specialized Organism Designed for Aggressive Maneuvers, soit « Organisme spécialisé conçu pour des manœuvres agressives », tout un programme !) à l’image de MODOK dont SODAM devient en quelque sorte une version féminine bien qu’elle ne prenne pas sa forme de fœtus déformé sur une chaise volant (pour l’instant…) mais en évoque tout de même l’apparence. SODAM disparaît comme il se doit dans l’explosion finale de la base de l’AIM non sans avoir semé le doute quant à sa véritable identité, déclarant ne pas avoir eu de vie avant sa transformation et donc incapable de confirmer si elle est ou non Maria Trovaya. Hank est alors libre de retrouver Janet et ses collègues afin de reprendre le cours normal des drames de sa vie.
Quelle soit bonne ou mauvaise, une idée finit toujours par être réutilisée dans les comics et SODAM ne fait pas exception à cette règle. Mieux (enfin, pire !), elle a droit à une mise à jour vers une version supérieure lors de son apparition suivante en 1990 dans Quasar #9 où elle se présente sur la couverture signée Mike Manley en tant que… MODAM ! Le lecteur médusé qui n’en demandait pas tant découvre une version féminine totalement assumée de MODOK avec un nom comme le look repoussant toujours plus loin le concept du ridicule dans les comic books. Les images parlent d’elles-mêmes :
Le scénariste Mark Gruenwald est responsable de cette transformation et ne semble pas en être éhonté puisqu’il va réutiliser plusieurs fois MODAM en 1991 et 1993 dans son célèbre run sur Captain America où elle est associée aux Femizons, un groupe de super-vilaines rassemblées par l’auteur qui n’était décidément pas toujours très inspiré dans son choix de noms. Malgré une présence régulière dans Captain America au début des années 90, ce n’est pas Mark Gruenwald mais Len Kaminski qui se charge à la même époque d’aborder les mystères autour des origines réelles de MODAM. Il la confronte dans les pages d’Iron Man #296-297 au vilain russe Omega Red qui pense reconnaître en elle une certaine Olinka Barankova envers qui il voue une haine si intense qu’il faudra l’intervention de l’alter-ego de Tony Stark pour qu’il ne la renvoie pas ad patres. Rien n’est réellement confirmé à la fin de cet épisode concernant la véritable identité originelle de MODAM, mais le divorce avec le background d’Hank Pym semble avoir été prononcé pour de bon, le scientifique blond n’ayant d’ailleurs plus été associé par aucun scénariste de près ou de loin à celle qu’il pensait être sa première femme revenue d‘outre-tombe.
MODAM disparaît ensuite de la circulation jusqu’en 1995 où Mark Gruenwald la convoque une dernière fois dans Captain America #440 avant d’être utilisée par Glen Dakin dans les quatre derniers épisodes de Clandestine. Elle dort maintenant depuis vingt ans dans les fonds de tiroirs de Marvel sans que personne ne semble vouloir y retoucher… du moins directement. En effet, Warren Ellis et Stuart Immonen évoque le personnage dans leur délirant Nextwave où leur équipe de super-bras cassés découvre que leur ennemi Number None n’est ni plus ni moins que le fils de MODOK et MODAM ! L’équipe créative n’en reste d’ailleurs pas là dans les déclinaisons du vilain à la chaise volante puisque leur équipe est également confrontée à une armada de MODOK télépathes au look d’Elvis Presley ! Cette série étant initialement imaginée par Ellis comme hors-continuité avant d’être maladroitement rattachée à l’univers Marvel régulier par le staff éditorial se fendant d’explications bancales à base de clones, de drogues hallucinatoires et de manipulations de la réalité pour expliquer les incohérences, la procréation des deux têtes flottantes demeure donc sujette à caution. Elle reste tout de même l’évocation la plus récente de MODAM dont le concept ne semble pour l’instant plus intéresser grand monde malgré les très nombreuses déclinaisons de MODOK auquel on a pu avoir droit (les Elvis ne sont que le sommet de l’iceberg !) et qui mériteraient un article entier pour tous les évoquer… comme l’incarnation féminine initiale de la vilaine tête flottante !
Et oui, SODAM/MODAM est à la base une resucée d’une certaine Ms. MODOK, une menace éphémère apparu le temps d’un arc d’Incredible Hulk se déroulant sur les numéros 286 à 290 ! Cette histoire située à une période du célèbre run de Bill Mantlo et Sal Buscema nous montre Bruce Banner, qui contrôle alors Hulk, embaucher le docteur Kate Waynesboro comme assistante (et plus si affinité… qu’il y a effectivement eu). La jeune femme est rapidement enlevée par l’Abomination pour le compte d’une faction de l’AIM qui la transforme en double féminin de MODOK afin d’affronter leur ancien leader qui finit par la charmer à coup d’affrontement de rayons télépathiques ! Heureusement pour Kate tout finit par rentrer dans l’ordre à la fin de l’aventure, la jeune femme retrouvant ses esprits et son corps d’origine tout en gagnant une place éphémère dans le supporting cast du Géant de jade[5]. Fruit d’une époque où même les concepts les plus barrés semblaient avoir tout-à-fait leur place dans les comics (Hulk passant même chez le dentiste le temps d’une case !), Ms MODOK aura eu une certaine pérennité malgré sa courte existence à travers tous les dérivés de MODOK, SODAM/MODAM en tête, que l’on a eus depuis elle.
Et la première épouse d’Hank Pym dans tout ça ? Les scénaristes semblent s’être résignés à la laisser couler des jours paisibles dans l’éternité, se contentant à ne l’évoquer qu’en cas de rares flashbacks sur le passé de Pym comme dans Secret Invasion : Requiem (2009) ou Avengers Origins: Ant-Man & the Wasp (2012) sans plus jamais évoquer le retcon avorté de West Coast Avengers. La malheureuse Maria Pym est même aux abonnées absentes des innombrables réalités alternatives de Marvel si ce n’est à deux courtes occasions : elle revient très brièvement à la vie lors d’une modification de la réalité due au voyageur temporel Immortus dans Avengers West Coast #62 (par Roy et Dann Thomas au scénario, Paul Ryan et Dan Bulanadi respectivement au dessin et à l’encrage) et est brièvement évoquée comme victime d’une attaque des Sentinelles sur la Hongrie dans Secrets of the House of M (un guide expliquant l’histoire et le background ce monde alternatif). La pauvre Maria semble donc inévitablement cantonnée au rôle de l’épouse perdue du docteur Pym quelle que soit les mondes possibles… une condition finalement préférable à celle de tête géante volante maquillée, n’est-ce pas ?
[1] Il devient ainsi respectivement Ant-Man dans Tales to Astonish #35, Giant-Man dans Tales to Astonish #49, Goliath dans Avengers #28, Yellowjacket dans Avengers #59 et enfin la Guêpe dans Secret Invasion: Requiem #1, se voyant également au passage attribué le titre de « scientifique suprême » dans Mighty Avengers #30 !
[2] Après une apparition en simple scientifique trouvant une formule de rétrécissement en 1962 dans Tales to Astonish #27, Hank Pym obtient son propre segment dans le #35, d’abord en tant qu’Ant-Man puis Giant-Man à partir du #49, et ne quitte plus ce poste jusqu’au #69.
[3] Certains épisodes ultérieurs à sa première apparition lui donnent également le nom de famille erroné de Troyvana.
[4] Steve Englehart semblait déjà sur la sellette puisque le scénario du #38 est signé Dan G. Chichester et Margaret Clark, tandis que Mark Gruenwald puis le duo formé par Tom DeFalco et Ralph Macchio assurent l’intérim jusqu’à l’arrivée de John Byrne.
[5] Après quelques épisodes d’Incredible Hulk elle disparaît pour deux décennies et réapparait au lendemain des événements de World War Hulk dans la mini-série World War Hulk Aftersmash: Warbound puis dans quelques épisodes des séries de l’univers de Hulk dans la période où Greg Pak supervisait la destinée des héros dopés aux rayons gamma.
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