Titre : Perfect Bullets
Scénario : Mark Waid
Dessins : Carlos Pacheco (histoire principale), Joe Quesada (back-up)
Encrage : Jason Paz, Mariano Taibo (histoire principale), Joe Quesada (back-up)
Couleur : Dono Almara (histoire principale), Paul Mounts (back-up)
Couverture principale : Julian Totino Tedesco
Couvertures alternatives : Mahmud Asrar, Nick Bradshaw, Mike Deodato, David Marquez, Steve McNiven, Sara Pichelli, Valerio Schiti, Ryan Stegman, Skottie Young
Éditeur : Marvel Comics
Sortie : 31 décembre 2014
Et voilà, ils l’ont fait ! Ce n’était qu’une question de temps pour que Marvel ne fasse apparaître le casting d’Agents of S.H.I.E.L.D. dans les pages des comics. Plutôt que d’opter pour une série censée nous montrer des aventures hors-caméras des personnages comme ils le font déjà avec des parutions reprenant leurs dessins animés (ou comme la concurrence avec Arrow et Flash et leur saisons 0 ou .5), les camarades de Phil Coulson le rejoignent dans l’univers 616 pour vivre des aventures ancrées plus que jamais dans la continuité. Après tout, on n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise, des personnages arrivés du petit écran comme Harley Quinn ou X-23 pour prendre un exemple de la Maison des Idées ont prouvé que les importations d’un média à l’autre peuvent donner des histoires intéressantes.
Si la série a beaucoup déçu lors de son lancement, la fin de la saison 1 puis la saison 2 ont clairement relevé le niveau pour beaucoup de spectateurs et une partie du staff (comme vous l’avez bien évidemment entendu dans le Comixity Spécial #29 : Série TV 2014 n’est-ce pas ?), dont votre serviteur, qui est tout de même allé à reculons sur cette nouvelle série malgré la présence de Mark Waid à l’écriture.
La série a été vendue par l’éditeur comme une découverte des différents recoins de l’univers Marvel, et même d’autres univers (vu ce qu’on nous annonce pour l’été, ce n’est pas très étonnant), et cela commence dès ce numéro où une grande partie de l’intrigue se passe bien loin de New York qui est tout de même bien amochée, comme quoi il y a des poncifs qui ont vraiment la peau en adamantium chez Marvel.
Ce nouveau titre se révèle finalement être ce que tout le monde aurait rêvé de voir à la TV mais que le budget limité du format, la disponibilité des acteurs ou tout simplement l’avancement de la construction du Marvel Cinematic Universe entravent : des histoires exploitant l’ensemble des personnages et concepts de l’univers Marvel pour les confronter aux agents du S.H.I.E.L.D., contrairement à la version TV où ils doivent se contenter des « restes » des films (en gros, tout ce qui n’est pas mis en option même pour le plus obscur des projets coincé dans un fond de tiroir), sous réserve qu’ils ne soient pas trop cher à mettre à l’écran.
Les choses semblent changer avec la saison 2 (on n’en dira pas plus pour ne pas vous gâcher le plaisir), mais elles n’atteindront sans doute pas les proportions des événements dépeints dans la série de Waid car le contexte y est inversé : dans Agents of S.H.I.E.L.D., on suit des agents qui évoluent dans un monde où les surhumains commencent à émerger – du moins publiquement et à grande échelle – alors qu’ici il s’agit de suivre une équipe travaillant sur une planète où le boom super-héroïque a déjà éclaté depuis belle lurette. Ce contexte présente le risque de privilégier les guest-stars au développement de la bande à Coulson dont l’apport sur le support papier paraît d’emblée forcé ; de plus, choisir cette voie risque de marcher sur les platebandes de la série Avengers World déjà bien installée après plus d’un an de publication.
Toutefois, si Avengers World se veut être le titre mettant en scène l’alliance du S.H.I.E.L.D. et des Avengers, la série S.H.I.E.L.D. semble plutôt se pencher sur les agents de l’organisation eux-mêmes avec tout de même la participation de héros ; le disque ne risque-t-il pas de paraître rayé ?
À première vue oui, mais deux éléments pourraient changer la donne : tout d’abord le choix des agents suivis, qui seront sans doute les mêmes d’un épisode à l’autre avec la charge pour le scénariste aussi bien de les intégrer dans l’univers Marvel que de les étoffer et de tisser des liens entre eux afin de les faire accepter par le lecteur ; ensuite vient également la nouvelle direction que semble prendre Avengers Word avec Axis qui ne garantit pas que la relation entre le nouveau super-groupe qui s’est formé et le S.H.I.E.L.D. se poursuive. La vraie voie de la série semble plutôt de succéder à Secret Avengers qui s’est achevé courant 2014 et qui mettait en scène… Phil Coulson et des Avengers dans des missions top secrètes pour le S.H.I.E.L.D. ! Avec ici des super-héros (de la plus grande équipe ou pas d’ailleurs) annoncés pour chaque épisode qui se voudraient être plutôt des stand-alones, le titre se présente en quelque sorte comme le successeur naturel de Secret Avengers dont l’arrêt a sans doute été planifié pour lui faire de la place.
RECTIFICATIF : Secret Avengers continue toujours, un arrêt prochain n’est qu’une pure spéculation de certains sites basée sur les ventes en baisse du titre.
Pour parler de l’intrigue en elle-même, elle use et abuse d’un procédé bien connu : un début in media res avec une menace digne d’un event Marvel impliquant tous les ingrédients d’un nouveau Ragnarok sans que le nom ne soit pour autant prononcé, où à peu près toutes les équipes d’Avengers se confrontent aux hordes d’envahisseurs venus des Neuf Royaumes. Alors que la fin du monde selon l’Edda est aux portes de Midgard pour une énième fois, Coulson emmène son agent sur une autre mission du type « celles que l’on résout sans les Avengers » et à priori moins cataclysmique. Le procédé rappelle un peu l’excellent épisode de Buffy contre les vampires intitulé Le zéro pointé (The Zeppo, S03E13), où Alex se retrouve confronté à des ennuis tandis qu’en arrière-plan le reste du Scooby-Gang empêche une fin du monde que le spectateur n’aperçoit que par bribes, et dans chaque cas on voit les deux récits se lier dans la conclusion. La résolution de l’intrigue débouche sur ce qui sera sans doute le fil rouge du run de Mark Waid, et personnellement je ne peux m’empêcher d’y trouver une petite ressemblance avec l’une des intrigues de la saison 2 de la série TV :
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La ressemblance s’arrêtera peut-être là, mais on ne peut pas ne pas la mentionner.
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Certains lecteurs vont sans doute s’offusquer de voir qu’encore une fois les héros Marvel sont confrontés à une menace cataclysmique qui ne sera mentionnée nulle part ailleurs, mais l’alchimie fonctionne si bien avec le vrai récit principal qu’il en est ainsi justifié. On pourra noter que les X-Men sont absents du regroupement de héros, tout juste mentionne-t-on « l’équipe de Storm » et un mutant uniquement encarté dans chez les Avengers actuellement apparaît l’espace d’une case, tandis que les Inhumains sont bien montrés et nommés, Waid devant sans doute répondre à un cahier des charges bien précis concernant cette « famille » commun à tous les auteurs de la boîte.
Le principal point faible de l’épisode vient peut-être de l’effacement des quelques personnages importés de la série TV devant l’intrigue et les super-héros épaulant l’équipe sur cette mission ; tout ce que l’on retiendra des agents Melinda May, Leo Fitz et Jemma Simmons se réduira la ressemblance de la première avec son interprète à l’écran, le rôle de comique du second et les problèmes capillaires de la troisième dont les cheveux oscillent entre le blond et différentes teintes de bruns suivant les pages.
Difficile d’être trop critique sur l’ensemble du développement d’un casting avec un seul numéro sous la dent, mais la série ne part pas sous les meilleurs auspices si ceux-ci font tapisserie devant les personnages Marvel mieux implantés dès le départ et laisse craindre l’importation bête et méchante pour illusoirement « attirer de nouveaux lecteurs venus du cinéma/de la télévision » (on connaît la chanson à force…).
Cette impression pourrait être renforcée si les super-héros avec qui ils font équipe ici ou ceux annoncés pour la suite étaient ceux de premier plan (ceux-là qui font tellement défaut à la série TV), mais fort heureusement Mark Waid annonce pour l’instant taper plutôt dans des héros de second rang ou plus neufs.
Paradoxalement, on se rapprocherait presque de la série TV avec ce raisonnement, mais ici cela aurait au moins le luxe de ne pas transformer ce titre en un énième dérivé des Avengers maquillé en team-up avec le S.H.I.E.L.D. (on en revient à la comparaison avec Avengers Wolrd). Il est cependant intéressant de noter que si l’intrigue pouvait se résoudre avec ou sans la participation des équipiers de Couslon, on peut aussi y déceler un message plus « méta » de la part de Waid : l’univers Marvel puise certaines inspirations dans ses adaptations dans d’autres medias, mais les comics restent le cœur de Marvel avec dans ce cas-là des héros secondaires qui prennent le pas sur les protagonistes pourtant censés porter cette série. Il y a tout de même quelques clins d’œil fait à la série TV comme la mention de « la cavalerie » ou l’envie de Fitz d’avoir un singe savant comme assistant, mais on est loin de l’abus de fan-service que l’on observe parfois dans ces circonstances.
La série se permet également quelques retcons en ce qui concerne Phil Coulson. Apparu dans la maxi-série Battle Scars aux côtés de Marcus Johnson/Nick Fury Jr, il était alors un soldat engagé dans le corps des Rangers loin d’être aussi enjoué et fan de super-héros comme l’est son incarnation par Clark Gregg qui rejoignait le S.H.I.E.L.D. avec le fils caché du patron à la fin de ce titre puis tous deux ont joué un rôle important dans la série Secret Avengers ; or, on nous montre ici qu’il accumule une connaissance encyclopédique de la communauté surhumaine et qu’il fait partie du S.H.I.E.L.D. depuis l’âge de vingt-cinq ans sans qu’aucune trace de son passé chez les Rangers ne soit visible. Si ce retcon sert clairement à rapprocher cet avatar du personnage de celui que tout le monde connaît à travers le MCU, il est tout de même plus appréciable de profiter d’un Coulson amateur et connaisseur de super-héros dans un monde où ils sont foison que dans sa version en chair et en os où il doit se contenter de Captain America et de quelques surhumains sortis du chapeau pour le besoin des intrigues. De plus, le Coulson des comics avait jusqu’à présent été caractérisé comme quelqu’un d’assez froid sans que cela serve réellement le personnage, le faire se rapprocher de la version plus enjouée de Clark Gregg ne pourra que lui profiter afin de susciter l’empathie du lecteur.
On peut noter d’autres petites erreurs de continuité comme un Hercule censé être sans pouvoir présent dans la bataille sans les armes qu’on l’a vu arborer depuis pour pallier sa semi-divinité perdue ou un Nova arborant les couleurs du costume porté par Richard Rider. Entre ces détails et le « nouveau » Coulson se jouerait-on de nous, avec une série se passant en fait dans un univers alternatif ? La réponse serait plutôt à chercher du côté de la simple erreur humaine, ce ne serait pas la première fois qu’un personnage qui ne devrait pas pouvoir se trouver dans une scène de baston générale pointe son nez (ce qui fait d’ailleurs le sel de certains scénaristes qui adorent expliquer ce genre d’incohérences… comme Mark Waid !) et ce numéro n’est pas exempt d’erreurs de colorations de la part de Dono Almara comme les problèmes capillaires déjà évoqués de Simmons ou ceux de l’héroïne les accompagnant qui de blonde passe de temps à autre à rousse !
Les problèmes de couleur restent toutefois les seuls véritables du côté graphique, car Carlos Pacheco est au top de sa forme pour dessiner de grandes scènes de bataille épiques où chaque héros est clairement reconnaissable, ne cédant pas à la tentation de représenter la multitude de super-héros convoqués pour l’occasion par quelques traits ; nul doute que ses encreurs Mariano Taibo et Jason Paz n’ont pas été de trop pour assurer le rendu.
Si le lecteur pourrajouer au who’s who sur les quelques scènes se déroulant à New York, il pourra être un peu plus étonné de voir Fitz et Simmons avec une musculature digne des meilleurs agents du S.H.I.E.L.D. portant des armes presque aussi grandes qu’eux ; le problème n’est pas ici qu’il ait choisit de les représenter ainsi, mais que d’autres dessinateurs risquent d’être plutôt tenté de s’inspirer des versions moins sculpturales des deux agents dans la série TV.
On peut quand même noter quelques petits problèmes. C’est d’ailleurs ce qui semble s’opérer dès le back-up dessiné par Joe Quesada qui s’essaie au style cartoony pour une page centrée sur Fitz et son singe artificiel H.E.N.R.Y. non sans tout d’abord le croquer de façon plus réaliste ; il n’est pas dit clairement dans quel univers cela se passe, d’autant qu’H.E.N.R.Y. n’arrête pas de s’étonner de voir Coulson vivant alors qu’il n’a jamais été trop mort dans l’univers Marvel, mais en même temps le singe apparaît sur la couverture du numéro. C’est un bonus bien sympathique pour conclue un premier numéro qui s’en sort bien mieux que ce que l’on pouvait craindre.
Enfin il faudra mentionner l’inévitable palanquée de couvertures alternatives pour célébrer ce premier numéro, avec du beau monde à bord comme (la liste complète est dans les crédits) Mike Deodato, Sara Pichelli, Steve McNiven Mahmud Asrar, David Marquez qui livre une belle illustration consacrée aux femmes de Marvel ou encore l’habituel Skottie Young pour une couverture humoristique sans bébé cette fois-ci. Comme le veut la tradition maintenant Deadpool est de la fête tout comme les nouvelles mascottes Rocket Raccoon et Groot, sans oublier bien évidemment une couverture reprenant une photo des acteurs, ici Coulson et May.
Rapport d’avis : Marvel a finalement offert une petite surprise pour la toute fin d’année 2014, Mark Waid arrive à surprendre sur cette série qui partait avec un handicap, même si pour éviter de trop tomber dans l’adaptation forcée il met un pied dans l’autre piège, à savoir effacer trop les personnages importés pour privilégier ceux qu’il invite pour l’occasion. L’histoire reste plaisante à suivre par la forme que prend le récit comme pour le dessin dont les défauts de colorisation prêtent toutefois à confusion pour quelques pages.
Un peu le même problème que toi sur cette série. Un scénario efficace, Waid connaît son affaire, mais avec deux problèmes supplémentaires qui me sont propres :
– je n’ai toujours rien à battre du personnage de Phil Coulson. Je n’ai jamais compris l’attachement des fans pour lui. Oui l’acteur est sympa, mais au delà qu’est-ce qu’on à battre ???
– ce qui m’amène à mon second souci, quel intérêt représente cette série exactement ???surtout dans un marché sur chargé comme le notre.
Bref une autre série qui sera annulée d’ici 12 épisodes, bien trop chère, avec un premier épisode à 5$. Et qui prète à confusion avec l’autre série SHIELD de Hickman dont on attend la conclusion pour dans pas longtemps.
Au passage il y a toujours une série Secret avengers, écrite par ALes Kot et qui si ma mémoire est bonne suit toujours des avengers bossant avec le SHIELD, avec Modok en prime.
En effet la série d’Ales Kot continue bien, je ne sais pas pourquoi j’ai cru qu’elle s’arrêtait, je vais corriger ça dans l’article !
L’attachement des fans pour Coulson vient des films, et donc Marvel essaie de reproduire ça dans les comics. Ce que je n’ai pas compris c’est pourquoi lorsqu’ils l’ont introduit ils lui ont donné une personnalité différente de la version ciné, chose réparée à présent.
Assez d’accord pour la confusion avec le SHIELD de Hickman qui devrait enfin revenir l’an prochain, ce nouveau volume aura sans doute un sous-titre pour pas qu’on confonde les deux.
En même temps vu les ventes actuelles de la série, je doute qu’elle dure encore très longtemps…