ONLPQDC #4 : Les Indestructibles – réalisé par Brad Bird (2004) – Partie 2/2

Retour sur le film Les Indestructibles, avec la suite des références aux comic-books qui parsèment le film. Nous avions laissé les héros dans une bien mauvaise posture la semaine dernière. Monsieur Indestructible avait disparu sur une île où il va bientôt découvrir une sombre machination, tandis que sa famille, partie à sa recherche, n’arrive pas à régler ses conflits internes. L’extériorisation de leurs problèmes au travers d’une série d’épreuves sur le terrain va-t-elle leur permettre de répondre à leurs dissensions sur la question d’une double identité civile/super-héroïque ?

 La théorie du complot : On nous cache tout, on nous dit rien !

En parallèle d’un Monsieur Indestructible qui enquête sur le terrain, Elastigirl va donc elle aussi mener ses propres investigations pour tenter de découvrir ce que son mari lui cache. C’est là le troisième mouvement du film, alors que le père de famille récalcitrant, en mauvaise posture, réussit à déjouer les pièges de Nomanisan Island pour entrer au cœur du secret. Des teintes bleutées aux décors cachés de l’île en passant par la musique, le style assumé très sixties n’est pas sans rappeler ceux aperçus dans les films d’un héros populaire bien connu : James Bond. La référence, bien qu’évidente, est-elle pertinente pour un super-héros ? Oui, si l’on considère le fait qu’au milieu des années 60 et face au phénomène Bond, les auteurs de comics répliquent en teintant leurs histoires d’une touche d’espionnage, où ce qui paraît être n’est pas toujours ce qui est. Précurseur du genre, le travail de Jim Steranko sur la série Nick Fury, Agent of S.H.I.E.L.D. (d’abord dans les pages de Strange Tales, puis dans un magazine éponyme), est un véritable plébiscite. Il est donc tout à fait pertinent de voir dans ce deuxième tiers du film une référence directe à l’œuvre de Steranko.

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Les décors circulaires de la base secrète de l’île Nomanisan…
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… empruntent beaucoup à l’esthétique de Jim Steranko…
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… dans la série Nick Fury, Agent of S.H.I.E.L.D.

Les efforts de Steranko pour assombrir le personnage de Nick Fury en en faisant un espion verra son aboutissement dans la maxi-série Nick Fury Vs S.H.I.E.L.D. de Bob Harras et Paul Neary. Reprenant les bases des scénarios de Steranko, Harras nous conte un véritable roman d’espionnage, où le héros découvre que les silhouettes anonymes à qui il rend des comptes cherchent au final à l’éliminer. Ici, Monsieur Indestructible se retrouve lui aussi chassé par son mystérieux employeur resté jusque-là dans l’ombre, et doit tout comme Fury se faire passer pour mort afin de mieux retourner dans les locaux de son patron aux licenciements définitifs.

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De l’employeur secret de Monsieur Indestructible…
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… à la salle des commandes d’où le héros devra s’enfuir…
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… ces idées étaient déjà présentes dans les aventures de Nick Fury (Nick Fury vs S.H.I.E.L.D.)

Du costume formaté et déshumanisant des gardes du complexe au motif récurent des courbes et cercles répétés à l’infini, l’esthétique de Steranko peut se retrouver partout sur l’île. La révélation de l’identité même de l’employeur secret de Monsieur Indestructible reste elle aussi dans le thème du complot, puisque comme dans les comics de l’époque, le retournement de situation laisse le héros abasourdi : un traître se cachait parmi ses proches ! L’un de ses plus fidèles disciples aura finalement raison de lui, et une fois encore, tout comme dans la maxi-série consacrée à Fury, le héros se sent trahi dans sa foi aveugle en le Bien, dans les fondations mêmes qui lui permettaient de poursuivre sa quête sacrée.

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Teintes,  décors, mise en scène, certaines séquences du film empruntent beaucoup…
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… à l’esthétique de la série Nick Fury vs S.H.I.E.L.D.

Parallèlement à son mari donc, Helen mêne sa propre enquête pour découvrir le secret si bien gardé de Bob. Dans sa quête de vérité, elle va parcourir à son tour une sorte de chemin initiatique, repassant par les mêmes étapes que son homme. Visite à leur amie commune, Edna Mode, la styliste pro des costumes de super-héros, obtention d’un nouveau costume lui donnant une identité propre mais partagée, singulière mais commune. Tout comme elle est Mme Parr dans le civil, elle va devenir, via son nouvel uniforme, Mme Indestructible.

 

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Tout comme l’agent secret dans ses aventures (Nick Fury, Agent of S.H.I.E.L.D. #1), …
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… M. et Mme Indestructible devront ruser pour infiltrer la base secrète ennemie.

Alors qu’elle aussi pense que Bob complote dans son dos pour détruire le lien familial par le biais d’une relation extraconjugale, enquêter dans les pas de son mari qu’elle croit infidèle va lui permettre d’expérimenter la raison de ses tourments. Elle qui avait renoncé à sa carrière de super-héroïne pour se consacrer entièrement à la vie civile va se retrouver obligée de reprendre du service pour découvrir la vérité. Et ce n’est qu’en confrontant sur le terrain son point de vue à celui de son mari qu’elle réussira à déjouer le pseudo-complot qui se trame contre elle. C’est en partageant le frisson et l’action que Monsieur Indestructible s’était approprié au détriment de la vie familiale, qu’elle finit par comprendre le lourd fardeau d’une double identité revendiquée. Dans un processus inversé par rapport à son mari, tous deux doivent donc apprendre, au cours de difficiles épreuves, à concilier vie de famille et vie à hauts risques.

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En travaillant en équipe, M. et Mme Indestructible pourront-t-ils arrêter à temps la menace similaire…
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… à celle qui planait dans les comics de Bob Harras ?

Le lien entre les deux héros, c’est bien entendu leurs enfants, embarqués dans les aventures de leurs parents plus ou moins de plein gré. Ces « vacances » forcées vont leur permettre de trouver une solution à leurs problèmes. Flèche, le jeune garçon turbulent va pouvoir se décharger de son trop plein d’énergie, tandis que que Violette, l’adolescente effacée va apprendre à s’affirmer en face de situations critiques. Elle finira par trouver sa place au sein du noyau familial et assumer une différence trop longtemps retenue face aux autres. Miniatures exacerbées de leurs modèles adultes, ils apprendront eux aussi qu’en acceptant les deux côtés de leur personnalité, ils trouveront leur véritable identité, compromis jusqu’alors improbable de deux facettes que tout semblait au départ opposer. Mais maintenant que les complots sont sur le point d’être déjoués, et que la crise paraît désamorcée, la partie est-elle remportée sur tous les tableaux ?

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En acceptant sa double identité, la mère transmet son héritage à ses enfants…
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… qui ont encore un peu de mal à faire la part des choses.

L’Âge d’Argent : renaissance et réunification (les années 1960)

À peine la famille Indestructible à nouveau réunie, la voilà déjà en mauvaise posture, capturée par le vilain de l’histoire. Syndrome, surpris par les alliés inattendus de son héros, ne se prive pas de railleries, avant de les laisser assister impuissants au danger qui menace le monde. La réunion de la famille mise face à leur échec va alors avoir un étrange effet thérapeutique. Les langues se dénouent, les réactions inattendues fusent. Bob Parr comprend que ce qui lui manque pour vaincre ses démons, c’est l’acceptation du présent et la foi en l’avenir : l’investissement au sein des siens. En voyant sa famille mise en danger par sa faute, il accouche d’un discours rédempteur comme un patient découvre la vérité de sa propre bouche sur le divan d’un psy. Dans le même temps, Violette – la plus réservée du groupe jusqu’alors – prend soudain l’initiative de libérer sa famille grâce à ses pouvoirs. Dans une dynamique inversée par rapport au début, les paroles et les actes de chacun permettent la cohésion de l’ensemble. La famille, maintenant réunie sous un même costume, a reconsolidé le noyau central et peut désormais sauver le monde, symbole d’une harmonie enfin trouvée. Maintenant qu’ils ne sont plus divisés, ils peuvent associer leurs forces pour vaincre l’opposant. Encore faudrait-il ne pas tomber dans l’effet inverse de la problématique initiale, et comprendre que pour fonctionner, la famille, tout comme l’individu, a besoin de cet équilibre constant entre les deux identités : l’assurance débordante du super-héros mêlée à la prudence réfléchie du civil. Et finalement, ce n’est que par un travail de groupe qu’ils arriveront à battre le robot envoyé par Syndrome pour détruire Métroville.

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À la fin du film, chacun a pu travailler sur ses lacunes. Le père accepte son rôle au sein du foyer…
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… tandis que la fille assume enfin ses pouvoirs et sauve ainsi sa famille.

 Dans cette ultime partie du film, Brad Bird met en scène le principe qui a permis aux comics de super-héros de retrouver un second souffle au début des années 1960 : l’union, l’alliance de super-héros aux pouvoirs singuliers, la réunion de forces complémentaires face à un ennemi commun. La référence la plus évidente du film est enfin devenue pertinente. Les quatre « doyens » de la famille Indestructible avaient en effet bien des points communs avec le quatuor des Quatre Fantastiques, imaginé par Stan Lee et Jack Kirby en 1961 et qui vit un regain d’intérêt de la part du public pour le style super-héroïque.

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Pouvoirs et problèmes, les Indestructibles ont semble-t-il beaucoup en commun…
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…avec les Quatre Fantastiques !

La force herculéenne partagée par Monsieur Indestructible et la Chose, la flexibilité commune d’Elastigirl et de Mister Fantastic, La transparence et les champs de force de la Femme Invisible et de Violette. Sans compter Jack-Jack, dernier né de la famille, partageant avec Franklin Richards une certaine omnipotence latente. Seuls les personnages de Johnny Storm et de Flèche sembleraient ne pas permettre l’analogie, hormis leur tempérament impétueux commun. Mais il ne faut pas oublier que Jack Kirby aimait souvent associer les pouvoirs de ses héros aux éléments naturels, et que le feu pour La Torche comme le vent pour Flèche sont deux manifestations d’un pouvoir élémental.

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Les amateurs auront reconnu dans le Démolisseur…
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… un pastiche de l’Homme taupe, premier ennemi des Quatre Fantastiques, lui aussi venu d’un monde souterrain.

Brad Bird va même jusqu’à pousser la référence au clin d’œil lorsque dans les dernières secondes du film, il fera surgir du sol une menace similaire au premier ennemi des Quatre Fantastiques. Syndrome quant à lui pourrait être vu comme un alter ego du Docteur Fatalis, ennemi avançant « masqué », et génie incompris de ses pairs. Tout comme Monsieur Indestructible avait autrefois renvoyé le jeune Buddy, Fatalis se sent rejeté par son ancien camarade Mister Fantastic, dans un même sentiment de complexe de supériorité. La référence aux Fantastic Four est d’autant plus pertinente que cette famille connaît souvent des difficultés fonctionnelles, et que le couple Red / Jane (Sue) Richards est souvent mis en danger par le manque d’investissement de Red dans la vie familiale au profit d’expérimentations scientifiques hasardeuses. Pourtant, Red évite bien souvent au monde de connaître une fin tragique, avec l’aide de sa femme qui réussit toujours à le ramener sur la voie de la raison. Dans la bande dessinée aussi, c’est donc l’acceptation et la compréhension des « défauts » de l’autre qui permet la cohésion du couple, et du groupe.

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Frozone, l’ami des Indestructibles et héros largement inspiré du X-Man Iceberg…
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… partage avec ce dernier un comportement givré et des jeux de mots qui ne laissent personne de glace.

À cette réunion familiale vient s’ajouter l’aide du fidèle Frozone, qui s’il ne fait pas partie de la famille, s’allie à elle pour terrasser la menace finale. Si cette cinquième personne ne trouve pas de comparatif dans la bande dessinée des Fantastic Four – bien que les amateurs confirmés de comics pourront toujours argumenter que dans Spider-Man #1 de mars 1963, l’homme-araignée tente de rejoindre le groupe -, on peut voir dans cette alliance l’autre grande trouvaille qui donna au genre ses lettre de noblesse et fit s’envoler les ventes de comics dans les années 60 : le mélange sous un même titre de plusieurs super-héros d’ordinaire solitaires. C’est le cas dès 1963 des Avengers chez Marvel, mais aussi chez DC Comics de la Justice Ligue of America, réunissant dans un même numéro des héros sinon solitaires, tout du moins isolés. Ici, la qualité des uns vient compléter le défaut des autres, et inversement. Syndrome, voulant provoquer la perte des super-héros, sera au final à l’initiative de leur association. Il permet ainsi un nouveau parallèle avec un autre méchant célèbre des comics Marvel : le fourbe et malicieux Loki a participé à la création des Vengeurs, tout comme le roublard et ingénieux Syndrome a provoqué l’alliance des Indestructibles, et ainsi, sa propre perte. Enfin, comment ne pas parler de l’Omnidroïde – robot intelligent inventé par le vilain du film – qui apprend de ses ennemis pour mieux s’adapter à leurs attaques. Ne peut-on pas voir là une ressemblance frappante avec Amazo, l’adaptoïde créé par le Professeur Ivo chez DC, et qui parvient à bout de la Justice League en répliquant les pouvoirs propres à chacun ? Ce méchant récurrent est bien souvent vaincu par le groupe soit par l’inventivité de Batman – un des rares héros du groupe à ne pas posséder réellement de super-pouvoir -, soit par l’arrivée d’un nouveau au sein de la ligue, soit enfin par la concentration organisée des pouvoirs de chacun en un même effort.

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À l’instar d’Amazo, ennemi de la Justice League, adapte les pouvoirs de ses adversaires …
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… l’Omnidroïde apprend de ses défaites passées pour mieux battre ses ennemis…
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… tout comme les Sentinelles, ces robots fous de plus en plus difficiles à battre (couv. X-Men #98).

Mais le robot destructeur n’est pas aussi sans rappeler une menace venant perpétuellement harceler un autre groupe de super-héros Marvel nés en 1963 : les X-Men. L’Omnidroïde qui a pour cible principale les super-héros et qui apprend de ses erreurs, est sans conteste un clone des Sentinelles maintes fois aperçues chassant le mutant. Se retournant d’ailleurs contre leurs propres créateurs, l’Omnidroïde et les Sentinelles deviennent par la suite des robots fous qui détruisent tout sur leur passage, sans pour autant oublier leur objectif premier.

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Monsieur Indestructible aurait-il des traits communs avec le Cyclope des X-Men ?

Les autres personnages principaux du film trouvent eux aussi un écho chez les différents protagoniste de l’univers mutant, notamment dans la seconde classe apparue en 1975. Si Frozone partage une forte ressemblance avec l’Iceberg de la première promotion, Monsieur Indestructible peut-être vu comme un savant mélange entre Cyclope, le leader peu sûr de lui, et Colossus, le géant de fer tourmenté.

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Repousser les attaques d’une puissance mécanique, voilà une tâche que Monsieur Indestructible…
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… partage avec Colossus (couverture du X-Men #122)…

Elastigirl partage quant à elle des traits communs à Jean Grey, mutante au potentiel énorme, mais dont les émois amoureux troublent le bon fonctionnement. Helen n’est-elle pas elle aussi gênée d’utiliser ses pouvoirs, de peur des reproches qui lui seront fait par l’homme qu’elle aime ? Si l’analogie entre Flèche et Vif-Argent reste assez hasardeuse, Violette trouve elle un bon parallèle chez les X-Men avec les jeunes adolescentes mutantes rejoignant par la suite le groupe. Son pouvoir la rapprocherait plus d’une Kitty Pryde par le côté « intagible », mais c’est plus le caractère peu sûr d’elle et de la peur d’utiliser ses pouvoirs qui est intéressant chez la jeune fille. Ce point la rapprocherait plus au final d’une Malicia, qui connaît elle aussi de nombreux problèmes d’identités. Ce n’est pas tant le pouvoir qui importe ici, mais les répercussions de celui-ci sur la jeune femme.  A-t-elle un don ou son pouvoir est-il un fardeau ? Doit-elle agir, ou son action va-t-elle avoir des conséquences catastrophiques ?

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Kitty Pryde et Malicia, une bonne synthèse chez les X-Men pour résumer Violette, l’ado tourmentée  (couv. Ultimate X-Men #49)

Bref, les parallèles entre Les Indestructibles et les X-Men sont déclinables à l’infini, et pour les mutants aussi, ce sont les forces des uns qui viennent pallier aux faiblesses des autres. Plus que les autres groupes de super-héros, les X-Men apprendront très tôt à coordonner leurs efforts, expérimentant rapidement qu’une attaque personnelle irréfléchie peut rapidement entraîner la perte de l’un d’entre eux. Au final, c’est bien souvent une mise en commun des talents conjugués de chacun qui permet de venir à bout de la menace.

 Et demain ? Les super-héros post-Indestructibles (les années 2000)

Bien que Les Indestructibles fasse partie d’une mouvance initiée au début du nouveau millénaire par les films consacrés à Spider-Man et aux X-Men au début des années 2000, le film d’animation de Brad Bird porte par sa thématique même les jalons de futures séries télévisées et évènements scénaristiques dans les comic-books reprenant le même principe : la perte d’identité, la confusion face au choix à faire. Ainsi peut-on citer Heroes, où les nombreux protagonistes sont sans cesse partagés entre une vie civile et familiale difficile et des pouvoirs durs à maîtriser/contrôler. Dans un même registre, et largement copié sur Les Indestructibles, puisque produit par Disney via la chaîne ABC, la série plus tardive No Ordinary Family en reprendra les grandes lignes, avec beaucoup moins de talent que le film d’animation Pixar.

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Peut-on être des super-héros (Heroes, 2006)…
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… tout en restant une famille normale (No Ordinary Family, 2010) ?

Mais c’est bien dans les comics à venir les années suivant la sortie du film que l’on peut le plus retrouver un sentiment de filiation et de continuation de la problématique de la crise d’identité. Coïncidence, reflet des interrogations de la société actuelle ou simple effet de mode, toujours est-il que le port difficile d’une double identité est un sujet tendance chez les super-héros les années suivantes. Ainsi, dans Civil War (2006), le crossover Marvel le plus réussi de ces dix dernières années, un accident d’ampleur gravissime « causé » par des super-héros de troisième rang provoque une polémique aux Etats-Unis, qui remonte jusqu’aux plus hautes sphères du pouvoir : les super-héros seront désormais priés de dévoiler leur identité secrète et de mettre leur pouvoir au service de la Nation, ou seront sinon considérés comme des hors-la-loi. Une série qui aura des conséquences majeures pour bien des personnages, notamment pour Spider-Man.

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Civil War (2006), ou la crise de foi des super-héros déchirés…

Dans un registre plus léger, on peut aussi parler d’Invincible de Robert Kirkman. Dans cet ongoing rafraîchissant publié chez Delcourt, Mark Grayson découvre que tout comme son père, il est doté de super-pouvoirs faisant de lui un surhomme. Mais que se passe-t-il quand l’homme que l’on vénère se révèle être un imposteur ? Reprenant les ficelles d’une série comme Spider-Man, avec un adolescent en pleine recherche de repères, la série innove par son ton désinvolte et surprend à chaque tome. À son parfait opposé, l’Irrécupérable de Mark Waid, toujours chez Delcourt, nous présente un pseudo Superman sombrant soudainement dans la folie, sans que l’on sache réellement ce qui l’a fait basculer du côté obscur. Crise d’identité tardive ou traumatisme psychologique enfoui remontant soudainement à la surface ? Quoi qu’il en soit, la série nous démontre que de grands pouvoirs peuvent tout aussi bien aboutir à la plus totale irresponsabilité.

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Invincible (2002)…
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… et Irrécupérable (2009), deux extrêmes du super-héros tourmenté.

On pourrait mentionner ici quantité d’autres oeuvres tant le sujet de la filiation et de la responsabilité qu’incombe la possession de pouvoirs est un thème récurrent ces dernières années. Beaucoup de nouveaux titres s’inspirent des mythes fondateurs des super-héros célèbres et en changent souvent un détail pour voir où cela aboutira. Mark Millar est un coutumier du fait, depuis son Superman : Red Son, à ses plus récents creator-owned que sont Wanted, Kick-Ass, Nemesis ou encore Superior. Mais le succès n’est pas toujours au rendez-vous, et le recyclage des vieilles formules ne fait plus autant recette. Serait-ce un signe des temps qu’à force de vouloir faire du neuf avec du vieux, on en vienne à lasser le lecteur ? Celui-ci, comme le public du film Les Indestructibles, ne risque-t-il pas d’en avoir assez des super-héros ?

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Mark Millar, scénariste professionnalisé dans la reconversion des super-héros.

Conclusion

S’il est vrai que le concept semble tourner en rond à force d’être observé sous toutes les coutures, on ne peut nier que les super-héros ont dans un même temps perdu de leur superbe aux yeux des anciens lecteurs. La preuve en est des chiffres des séries en baisse constante et des nombreux relaunches nécessaires de certains titres, artistes prestigieux à l’appui. Dans un schéma symétrique à celui opéré par les protagonistes au cours du film, le jeune adolescent fan des aventures de son héros préféré peut avoir en grandissant laissé tomber une lecture dont il était pourtant friand. Le phénomène est bien souvent causé par le regard d’autrui, qui juge qu’à partir d’un certain âge, ces lectures ne sont plus sérieuses et décrédibilisent la personne, voire mettent en danger sa vie professionnelle et conjugale.

Pourtant, n’est-ce pas là le message ultime de Brad Bird pour tout connaisseur du genre qui veut bien lui accorder quelques minutes de réflexion ? Ce super-héros tombé en disgrâce aux yeux du public, n’est-il pas celui de notre enfance, que nous avons plus ou moins laissé tomber en grandissant ? Et s’il nous prenait l’envie de nous remettre à notre ancien hobby en replongeant dans une de ses aventures, quelles seraient les réactions de nos proches ? Mettrions-nous notre vie sociale en péril en octroyant à une ancienne passion plus de temps que ce que la société ne voudrait qu’on lui accorde ? Comme Bob Parr auprès de ses proches, et Monsieur Indestructible vis-à-vis du public, aurons-nous le courage d’assumer notre différence ?

La morale du film semble claire : laissons-donc à chacun une deuxième chance, concilier deux aspects différents d’une personnalité n’est pas une tare, et la complétion des deux peut au contraire aider à l’épanouissement mutuel. Marvel en tout cas ne s’y est pas trompé au début des années 2000, en proposant à ses lecteurs la gamme Ultimates, ou les aventures remises au goût du jour de super-héros classiques. Dans ce néo-classicisme du 9ème art, nouveaux et anciens lecteurs trouveront certainement leur bonheur, les uns en s’émerveillant pour la première fois, les autres en redécouvrant sous un nouvel angle les aventures de leurs héros d’enfance.

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Les lecteurs de comics, à l’image de Peter Parker, ne sont-ils pas tentés de se débarrasser de leur rêves super-héroïques en grandissant ?

 

 

A propos Jean-Lau 20 Articles
Fan #1 devenu au gré des rencontres membre de l'équipe, il partage ses coups de cœur comics, cinés et animés ainsi que sa passion pour la bande dessinée en général.

5 Comments

  1. 3 mois plus tard j’ai enfin trouvé le temps de lire cette deuxième partie. Quel travail, il n’était pas possible que cela ne récolte pas le moindre commentaire. Alors je l’avais surement déjà fait pour la première partie mais mieux vaut deux fois qu’une: bravo!! 
    Une analyse exhaustive et de qualité, des références cohérentes et le tout très agréable à lire, merci Jean Lau surtout quand tu parles d’un film qui est une des référence des films de super héros que peu de productions actuelles arrivent à approcher.

    • En effet un excellent dossier qui mérite des félicitations ! Pour ma part ça m’a bien donné envie de voir enfin ce film que je n’ai toujours pas pris le temps de visionner…

  2. Eh bien merci à vous pour vos messages d’encouragement.
    Le dossier n’est pas parfait, mais je dois avouer que malgré le temps passé dessus, j’ai pris plaisir à l’écrire. Derrière un simple film d’animation pour enfant se cache un véritable trésor fait par des fans de comics pour les fans de comics. Un des films les plus aboutis sur le sujet, au delà même de certains films en prises de vues réelles selon moi.
    Et donc oui Marti, il faut absolument que tu voies ce film, en espérant ne pas t’avoir trop spoilé avec ce dossier…

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