Les habitués de Comixity connaissent déjà Julien Hugonnard-Bert (dit JHB ou encore The French Inker), il a été l’invité spécial de plusieurs podcasts comme celui consacré à la série Agent of the Empire. En tant que non-initiée, ne vous attendez pas à ce que je lui pose des questions de fous sur l’univers comics ou, pire, sur Star Wars. Non, moi je m’intéresse à son métier : encreur.
Ingénieur de formation, Julien décide en 2008 de se réorienter. Ouvrir une galerie ou se faire agent, quand Doug Wheatley lui glisse à l’oreille : « Pourquoi ne pas devenir dessinateur ? ». Mais voilà, bien qu’il aime dessiner, des super-héros notamment, Julien avoue avoir toujours préféré l’encrage.
« La différence entre un dessinateur pro et un autre, c’est que l’autre a arrêté de dessiner quand il a appris à écrire et que le pro, lui, ne s’est jamais arrêté »
En 2008 donc, son port-folio sous le bras, il se rend à la convention de Bristol, bien décidé à prendre des contacts… et y parvient, rejoignant bientôt l’écurie Panini pour encrer des histoires courtes dans Marvel Heroes magazine. Quelques mois plus tard, il encre la deuxième mini série Crossed (Family Values) écrite par David Lapham pour Avatar Press. Contacté par Sylvain Cordurié (scénariste) grâce à sa page internet, il fait la rencontre du dessinateur Stéphane Créty. Ensemble, ils travaillent sur deux séries chez Soleil (Hannibal Meriadec, L’Epée de Feu et Le Sang du Dragon) mais aussi une mini chez Dark Horse (Star Wars, agent de l’Empire) et encore Masqué chez Delcourt.
Julien travaille sur les pages originales ou leurs scans (dans ce cas, il les imprime en bleu très clair) et toujours sur du A3. Il a à sa disposition tout un arsenal : plumes, pinceaux, feutres, encre de chine… ainsi qu’outils informatiques (Photoshop et très récemment Manga Studios dont il ne sait pas encore bien se servir). Il préférera le pinceau pour une chevelure, la plume pour un uniforme militaire, le feutre pour une voiture… sans oublier la règle pour tracer les immeubles ou l’ordinateur pour les cadres ou les grands à-plats noirs. En général, le délai est de deux semaines entre la réception des pages et le rendu du travail.
Les maîtres-mots : Organisation – Rapidité – Sérieux
Il faut savoir prioriser son travail, jongler entre les styles, et surtout être capable de se dire « C’est suffisamment bien » et de laisser partir ses planches pour la phase suivante de colorisation. Contrairement au dessinateur qui se trouve seul face à une page blanche, Julien aime la sensation d’intervenir au sein d’une chaîne de fabrication.
Dire que son travail consiste à « repasser les traits » est extrêmement réducteur. L’encreur doit être capable de s’approprier le dessin, il va lui donner sa profondeur, sa consistance. Pour cela, il peut être amené à contacter le dessinateur pour s’entendre sur la charte graphique ou lui demander de confirmer l’expressivité d’un sourire (franc ou vicieux?). Il doit jongler avec des styles très différents, de la BD franco-belge ou comics indé, et quelle que soit sa préférence il doit s’y atteler avec la même application.
S’il devait donner un conseil à quelqu’un qui voudrait débuter, ce serait celui qu’il a reçu lui-même :
« La qualité, ça viendra en pratiquant, mais si tu vois que t’es pas capable de faire 22 pages en 1 mois, si tu vois que t’es pas capable de rester assis seul chez toi à ton bureau pendant 8 ou 10h, ça sert à rien, trouve toi autre chose. » de Doug Wheatley. Pour dur qu’il soit, ce conseil reste toujours à l’esprit de Julien et représente bien son métier selon lui : « Tenir les délais ».
Et bosser, bosser, bosser ! Même quand l’envie n’y est pas. Il s’est fixé un rythme d’une page par jour, relâche le week-end (quand il y arrive), travaillant le soir ou la nuit.
Et à ma question bête « Et quand tu n’as pas envie ? », réponse de pro : « ben tu te forces ! Tu restes assis et tu bosses ! ».
Il a quelques trucs évidemment, prendre la règle pour faire des immeubles par exemple et « Il y a toujours des immeubles à dessiner ! » me confie-t’il en riant.
S’il devait se reconvertir, ce serait pour être éditeur dans le comics : en tant que maître d’œuvre, c’est lui qui coordonne toutes les étapes de création. Dépassant les frontières de l’hexagone, vous allez bientôt le retrouver dans votre univers préféré très bientôt…
En tout cas, nous somme tous ravis qu’il ne veuille plus « retourner jouer à l’ingénieur ».
Article lu, corrigé et approuvé par JHB himself ! En le remerciant encore de sa disponibilité (entre coups de fil, mails et visites) et pour sa gentillesse évidemment, et son humour, et merci à Chat Madame de me l’avoir prêté, c’est pour la bonne cause !
Le lien vers son port-folio : page deviantart
On pourrait être parti pris ou influencés par sa présence dans certains podcasts mais je dois quand même dire que j’ai vraiment apprécié le travail de Julien sur Agent de l’empire. D’ailleurs un bel album que nous a fourni delcourt.
An dehors de ça je n’ai pas encore eu l’occasion de lire d’autres ouvrages sur lesquels il a travaillé mais ayant mis la brigade chimérique sur ma liste à papa noël j’espère enchainer ensuite avec masqué.
Une petite question en passant, je ne sais pas dans quel domaine il était ingénieur mais celui lui a t’il apporté pour ses méthodes de travail ou la manière dont il peut intervenir sur certains dessins, les immeubles justement,les machines ou même les droides par exemple ?
Coucou Kaostorm ! il était ingénieur d’affaire, chargé de coordiner les services, et c’est pour ça que le métier d’éditeur l’intéresse. Il m’a dit qu’il appliquait les méthodes de travail enseignées durant ses études. « Ce ‘est pas parce que c’est un passion, que ce n’est pas un métier » !
Pour le reste, je ne sais pas. Il te répondra peut être 😉
A suivre sa collaboration avec Romano Molenaar… j’ai hâte !
Merci pour ta réponse, effectivement ça colle bien avec le métier d’éditeur qui d’ailleurs doit être un boulot passionnant.
Sympathique article, non seulement pour le fond très intéressant mais pour la forme, à mi-chemin entre l’article de fond et l’interview, c’est très frais à lire !
Merci ! ça fait plaisir !