Chew, Morning Glories, Skull-Kickers,… depuis deux ans Image comics est en pointe pour les nouveaux projets comics qui attirent l’attention du public. Si les ventes ne sont pas encore au niveau des best sellers de DC ou Marvel, la créativité et la qualité sont incontestablement là. Mais ce mouvement n’est pas une première dans l’histoire récente, et on peut souligner que ce phénomène intervient pile au moment où les ventes de comics se tassent de manière régulière.
L’origine du phénomène.
A mon sens deux causes peuvent être identifiées. Une structurelle et une autre conjoncturelle.
La première est selon moi conjoncturelle. Tout comme à la fin des années 90 on peut constater une baisse de la qualité et de l’intérêt des comics publiés par les deux principales maisons d’éditions, qui en fait ne parviennent à maintenir leur part de marché qu’à gros coups de crossover. La démarche récente de Marvel de relancer ses crossovers internes n’est pas innocente. Après avoir juré la main sur le coeur il y a moins d’un an qu’ils allaient faire une pause dans les gros events « qui vont tout changer promis craché » avec 150 ties in, pour se concentrer sur de petits crossovers internes à certaines lignes de comics, ils proposent Fear Itself. En effet l’initiative Heroic Age n’a guère été une réussite en terme de vente. Six mois après le lancement des nouveaux titres Vengeurs, les chiffres ont globalement baissé de moitié. Par ailleurs on peut constater que même les titres mutants vont être emportés dans la tornade, alors qu’ils avaient été mis de côté dans les crossovers précédents. Là aussi les niveaux de ventes sont en cause. Second coming avait pendant un temps relancé la franchise, mais làs à peine terminé on est revenu à la médiocrité habituelle. De fait, lier les X – Men au reste de l’univers Marvel est devenu une obligation. A cela il faut ajouter la nomination de Axel Alonso au poste de rédacteur en chef, ancien superviseur des titres X, et proche de Matt Fraction, il semble évident qu’il est à l’origine de ce crossover et de la nomination de Fraction comme scénariste de l’évènement . En somme Fear Itself va servir de véritable test pour la nouvelle direction créative de Marvel. Le succès ou l’échec du crossover assiéra la légitimité de Alonso, ou lui rendra la tache encore plus rude.
On pourrait penser que chez DC les choses vont relativement mieux. Mais en réalité si nombre de titres sont des succès commerciaux, il faut bien réaliser que ces succès tiennent bien souvent à la personnalité des scénaristes qui en ont la charge. Tout d’abord Geoff Johns qui en 5 ans a réussi a transformer Green Lantern en machine à billets verts pour DC. Le prochain crossover Flashpoint tend à réaliser le même travail avec Flash. Un pari assez risqué car même si le personnage est bien connu des fans, il a toujours connu des ventes inférieures à ses collègues. Le dernier relaunch en date mené par Geoff Johns s’est révélé un succès, effaçant par la même des années de direction créative erratique. Cependant il faut bien avouer que le premier story arc de la série n’est pas la meilleure histoire de Flash que Johns nous ait servi. Le second arc s’annonce meilleur, mais très lié au futur crossover. Mon avis sur le sujet est que par le passé DC n’aurait pas tenté le coup du crossover avec cette histoire, et qu’elle se serait insérer dans la série normale. Le succès de Blackest Night l’année dernière et le tassement des ventes générales du marché ont sans doute amené l’éditeur à vouloir saisir cette opportunité.
L’autre pôle de vente chez DC est bien sur la franchise Batman. Là aussi une tête d’affiche, Grant Morrison qui depuis des années donne le tempo dans l’univers de la chauve – souris. Il est indéniable, et ce quoique l’on pense de l’auteur, que son nom fait vendre. Cela fait maintenant plus de 5 ans que le scénariste est impliqué avec cette franchise, et a annoncé lors du lancement de Batman Inc qu’il avait un plan sur deux ans, oui et après.?
En somme nous avons là tout un univers dont les plus grands succès reposent sur un nombre limité d’auteurs. Nous avons tous pu le constater au cours des derniers mois, cette stratégie a un énorme point faible . En effet au mois de novembre DC a positionné ses titres afin de ravir la première place des ventes. L’exploit a été manqué de peu, mais a été suivi dès le mois suivant par une baisse significative de la part de marché de DC. La cause en était simple, les principaux titres qui avaient assuré le succès de DC en novembre étaient absents. Pas de Green Lantern, pas de Batman Inc, pas de Flash, …
Même si l’éditeur tente de faire émerger de nouvelles têtes comme Scott Snyder, il laur faudra des années pour acquérir l’aura auprès des fans d’un Johns ou d’un Morrison. Les choses sont donc fragiles. Tout cela a amené à un émoussement de l’intérêt des fans pour les différents bouquins proposées tant par Marvel que par DC.
Dès lors la porte est ouverte aux éditeurs inde, il ne leur manquait plus qu’un porte flamme.
La seconde cause est plus structurelle, et liée à un phénomène marqué par le retour des auteurs vers le creator owned. Ce retour trouve lui même ses origines selon moi dans le succès d’un seul comics : Walking Dead.
Le début des années 2000 a marqué le retour des grands éditeurs et des super héros traditionnels, au détriment des éditeurs dits indépendants et leur comics non super héros. Dans les années qui ont suivis, se lancer dans le creator owned est apparu à beaucoup comme un suicide financier. Car même si vous étiez connus des lecteurs, si vous n’étiez pas publiés par Marvel ou DC vous n’existiez tout simplement pas.
Robert Kirkman est alors arrivé avec ses différents comics: Invincible, Walking Dead,... et il a montré que l’on pouvait sortir des comics en dehors des deux grands tout en ne mourant pas de faim. Bien entendu je ne nierai pas l’influence des succès de Mark Millar sur la scène « indépendante ». Mais de un le scénariste n’a jamais écrit une seule série illimitée indépendante, et de deux ses projets sont avant tout pour moi des pitchs destinés au cinéma. Je ne nie pas la passion de Millar pour les comics, mais il est évident qu’il est l’un des premiers à avoir compris qu’il tenait là un moyen d’accès à Hollywood.
Selon moi le grand mérite de Kirkman est d’avoir prouvé que l’on pouvait écrire des séries illimitées et avoir du succès. Ce n’est pas par hasard que le premier épisode de Chew fut pré publié dans un épisode de … Walking Dead. La pub faite à cette série a du coup eu beaucoup plus d’impact que si elle n’avait bénéficié que de bonnes critiques. A partir de là la porte est ouverte et les yeux se tournent de nouveau vers la scène indie.
L’ampleur du phénomène
Vous l’aurez compris je suis enthousiaste, mais il faut se montrer un minimum objectif.
En premier lieu, même si désormais nous sommes tous en train de nous dire « quel sera le prochain succès ? » « quel sera le prochain Walking Dead, Chew, Morning Glories? » il est important de relativiser, et ce pour une raison simple : les ventes. En effet si ces séries ont les meilleurs critiques du marché, les ventes singles ne sont pas gigantesque, en général entre 10 à 15000 ex. Pas de quoi pavoiser. Le seul à briser le plafond de verre des 20 000ex est bien sur Walking Dead, qui avec des ventes croissantes au dessus des 30 000ex s’est installé dans le TOP 50 des ventes. Le phénomène n’a pas donc pas atteint le noyau dur des lecteurs qui soit ne veulent pas entendre parler de tires où on ne voit pas des gens en collant, soit qui n’ont tout simplement pas les moyens de se payer 50 titres par mois.
Ensuite, et en contre argument. Il faut noter d’une part la résistance des ventes des comics indie. Là où les ventes des titres Marvel et DC se sont littéralement effondrés en trois ans, les titres indépendants n’ont pas perdu de lecteurs voire en ont gagner quelque uns. On pourrait presque croire que l’audience n’est pas la même, ce qu’ont tendance à confirmer les ventes de TPB. En effet ces titres ont tendance à tout écraser lorsque leur recueils sortent. Alors que les titres Marvel ou DC n’atteignent que difficilement les 5000ex vendus pour leur plus gros titres, un titre comme Walking Dead va atteindre les … 20 000ex. Dans le même exprit des titres comme Fables chez Vertigo ou Scalped dépassent allègrement les 10 000ex. De même on apprenait récemment par Nick Spencer que le premier TPB de son tite Morning Glories avait dépassé les 10 000ex, et qu’une seconde édition était en préparation.
Enfin je parlais plus haut des ventes de séries comics au cinéma. Il serait naïf de croire que cette ruée vers le creator owned est innocente et se fait pour l’amour de l’art uniquement, ben oui il faut bien vivre. Depuis 10 ans les films adaptés des comics sont légions, et l’argent d’Hollywood a commencé à affluer. Pour l’industrie du cinéma c’est aussi une aubaine, en pleine crise de créativité, coincé entre les adaptations et les remakes, les comics font un peu figure de pâturages inexplorés ou prospèrent les idées. L’adaptation de comics ayant pour avantage premier d’être un concept déjà présenté et approuvé par un « public test ».
Si je m’amuse à jouer aux prophète myope je peux dire que plusieurs futurs sont possibles :
– un retour des éditeurs mainstream, tout comme au début de la précédente décennie. J’aurai tendance à dire que ce n’est pas pour aujourd’hui, tout d’abord en raison de l’affaiblissement constant de certains scénaristes, je pense à Bendis. Ensuite certains nouveaux scénaristes, pas du tout à la hauteur comme Fraction.
– un développement des ventes indie au détriment des super héros, mais ne rêvons pas on n’appelle pas ça indie pour rien.
A mon sens un scénario intermédiaire est le plus probable, et on se dirige sans doute vers un partage du marché. Une idée renforcée dans mon esprit par la multiplication d’appels d’auteurs à se tourner vers le creator owned. Robert Kirkman avait été le premier à médiatiser un tel positionnement, suivi depuis par de nombreux autres créateurs.
Un rééquilibrage des ventes a mon sens est le bienvenu, tant la domination par les grands éditeurs a été forte lors de la précédente décennie. DC et Marvel se sont ainsi partagés entre 70 et 80% du marché, écrasant totalement la concurrence. Un phénomène dont même Joe Quesada s’était inquiété à une période, bien conscient que le renouvellement créatif vient avant tout des comics indépendants. Ceux ci sont historiquement des réservoirs à talents, dans lesquels les grands éditeurs vont piocher pour travailler sur leur titres.
La récente bataille qui a vu s’opposer les grands éditeurs pour offrir l’exclusivité à Nick Spencer, atteste de cette volonté d’attirer les jeunes talents. Et ce alors que l’auteur est une révélation très récente de l’année 2010.
En tout cas cela nous promet de belles heures de lecture en perspective.
Très bon article.
Je suis assez d’accord si ce n’est pour moi que Marvel à commencé doucement mais sûrement à attirer des auteurs dit « indé » que ce soit Aaron, ou Spencer, cependant ils n’ont pas encore la renommé d’un Morrison ou Johns, mais avec le temps ça peut venir, je pense aussi, que les contrats d’exclusivité nuisent énormément à ces auteurs qui avant aurait pu aller papilloner à droite et à gauche et qui maintenant se retrouve à faire les scribes sur des séries plus mineures mais souvent de qualité chez l’un des deux gros.
Tout d’abord merci pour ton commentaire.
Ensuite pour le contenu, je suis d’accord Marvel a toujours gardé un oeil sur les nouveaux talents qui émergeaient sur la scéne inde.
Ce point a d’ailleurs constitué une des bases du règne de Quesada, n’oubliez pas que Bendis vient de là.
Dc a lui pendant longtemps compté sur sa ligne Vertigo pour renouveler son cheptel d’auteurs. Je dis pendant longtemps, car pour moi la réorganisation de Dc l’année dernière, ainsi que les nouvelles règles de royalties plus dures, rendent moins attractives cette branche d’édition DC.
Quand aux contrats d’eclu : ça s’est pas mal calmé ces dernières années, il faut dire que il y a deux, trois ans, pas une semaine ne passait sans une annonce. Mais ce de point de vue, il fait comprendre que DC ou marvel ne les proposent qu’aux auteurs les plus célèbres et surtout populaires.
Spencer est une exception je pense car il y avait une compétition entre les éditeurs pour recruter ce jeune auteur