Comixitoyennes et Comixitoyens, bienvenue à tous dans cette nouvelle chronique qui s’intéresse aujourd’hui à la place et à l’image données aux personnages musulmans dans nos séries préférées ! Si la sortie prochaine de la nouvelle série Ms. Marvel a motivé la rédaction de cet article en deux parties, il ne sera pas encore question d’elle ici, cette première réflexion présentant l’évolution de la représentation des musulmans des débuts des comics à la moitié des années 2000 ! Bonne lecture !
Dans les comics comme dans d’autres médias la question de la représentation de la diversité fait débat depuis quelques années maintenant. Dans ce gros fourre-tout que l’on qualifie de « diversité » réunissant aussi bien les différences de nationalités, couleurs, religions et orientations sexuelles autres que blancs et chrétiens, soit la majorité dite WASP (pour White Anglo-Saxon Protestants) de la population étasunienne , l’islam tient une place à part depuis les événements du 11 septembre 2001 et les différents conflits armés qui en ont découlé. Depuis quelques temps maintenant on constate dans les comics une volonté d’imposer de nouveaux personnages de premiers plans de confession musulmane, ce qui n’est pas sans faire couler beaucoup d’encre aux États-Unis comme ailleurs dans la presse spécialisée comme généraliste, où bien souvent les articles comme les commentaires semblent l’œuvre de personne n’ayant pas lu les séries en question, à plus forte raison lorsque ces réactions surviennent suite à l’annonce des projets plusieurs mois avant la sortie des épisodes, quand ils ne connaissent pas grand-chose aux comics tout simplement. Cet article n’ambitionne pas de traiter la question de la représentation des musulmans dans l’ensemble des comics, mais de se concentrer sur les séries à tendance super-héroïque (même s’il y a sans doute fort à faire dans l’indépendant et l’underground), pour ne pas dire principalement ceux publiés par Marvel et DC.
Des débuts discrets
S’il ne s’agit pas ici de retracer l’émergence de la diversité dans les comic-books mais de se centrer sur la représentation de héros musulmans, un rapide rappel de l’évolution des mentalités dans ce médium est toutefois nécessaire. Il n’est pas surprenant de ne trouver aucune trace de personnages même secondaires de confession musulmane dans les premiers comic-books des années 40, si ce n’est dans le décor de très rares histoires où les héros se retrouvent dans un pays où cette religion prédomine. Si les super-héros sont alors tous bien américains, blancs et chrétiens, il ne faut toutefois pas oublier qu’une bonne partie d’entre eux, dont les iconiques Superman et Captain America, sont issus de l‘imagination d’auteurs et de dessinateurs juifs très souvent réfugiés aux États-Unis ; cela fait assez sens dans le cas de ces deux exemples, Superman étant en quelque sorte un amalgame du Golem, de l’Übermensch de Nietzsche et de l’étranger qui a quitté sa patrie pour échapper à un désastre au profit d’une nouvel nation qui l’a accueillie et intégrée, ce qui est le cas de nombreux artistes juifs ayant fuis l’Europe pour échapper au nazisme, tandis que Captain America au-delà de son symbole de patriotisme représente également un besoin de se protéger et surtout de triompher de l’oppresseur nazi aux idéologies xénophobes et eugénistes.
Lors de la renaissance du genre super-héroïque au début des années 60 suite à sa quasi-disparition dans la décennie précédente on retrouve encore une fois foule d’esprits créatifs de confession judaïque derrière la création de héros qui font aujourd’hui la joie (et remplissent les comptes en banque) d’Hollywood : les Quatre Fantastiques, Spider-Man, les X-Men, Hulk, Thor, les Avengers… sortent tous de l’imagination qui semble alors sans fond de Stan Lee et Jack Kirby (Captain America, c’était déjà lui !). Si les héros continuent d’être blancs et protestants par défauts (les religions n’étant de toute façon pas vecteurs d’intrigues), la question de la différence et de son acceptation commence à être abordée avec des personnages comme Ben Grimm alias The Thing/La Chose des Quatre Fantastiques ou les X-Men. Avec son corps de pierre, La Chose est un personnage tragique dont la condition d’homme de pierre l’empêche de vivre normalement et est vectrice de nombreuses intrigues encore de nos jours, à l’opposée de ses trois collègues qui eux ont gardé une apparence physique normale. On revient encore une fois à une réinterprétation moderne du Golem, à la différence de Superman qu’ici le personnage en est physiquement plus proche et se révélera même être juif ! Cela n’a pas grande importance au final dans les aventures qu’il vit, mais marque tout de même un premier pas vers une représentation plus variée des religions. Les X-Men sont plus souvent mis en avant comme modèle de manifeste pour la tolérance, avec les mutants persécutés pour leurs différences et les comparaisons entre Charles Xavier et Martin Luther King pour le camp prônant l’acceptation pacifique et celle entre Magneto et Malcolm X plus adeptes de méthodes musclées. Cette analogie s’est un peu faite a posteriori, initialement les X-Men étaient avant tout inspirés par la peur des effets de la bombe atomique et une parabole du passage de l’adolescence à l’âge adulte, mâtiné du but avoué de Stan Lee d’avoir une explication d’apparition de superpouvoirs pour le jour où il sera à cours d’idées. C’est à partir de X-Men #14 où apparaissent les Sentinelles, redoutables robots chasseurs de mutants, et la propagande anti-mutante que le rapprochement avec la lutte pour l’égalité des droits civiques et le titre va commencer à s’opérer, même si la série reste quand même essentiellement des histoire de bagarre contre des vilains costumés. Parallèlement des personnages noirs vont commencer à avoir de l’importance, que ce soit comme personnages secondaires comme Robbie Robertson dans Amazing Spider-Man ou Bill Foster (futur Black Goliath) dans Avengers et même comme alliés tel Black Panther/Panthère Noire, un héros costumé rencontré par les Quatre Fantastiques souvent désigné comme le premier super-héros noir. Comme pour les premières années des comics les personnages pratiquant l’islam restent essentiellement (pour ne pas dire exclusivement) originaires de pays musulmans et assez rares, apparaissant le plus souvent lors d’aventures à l’extérieur du pays. Parmi les créations notables se trouvent Albert Malik, un agent soviétique d’origine algérienne qui est révélé être le Red Skull/Crâne Rouge communiste des années 50 (on vous l’accorde, c’est un peu bizarre comme retcon), ou encore l’Archer of Arabia, un Green Arrow aux airs orientaux membre des Green Arrows of the World, équipe apparu lors d’un unique épisode (Adventure Comics #250, 1958) et copiant les Batmen of All Nations. Des personnages qui ont très peu d’apparitions, voire une seule pour l’archer, et pour lesquels la religion ne joue absolument aucun rôle dans leur caractérisation ou les intrigues auxquelles ils sont mêlés.
Le match du siècle
Les années 70 vont être propices à la multiplication de personnages noirs, asiatiques (pratiquant de préférence un art martial) voire hispaniques comme White Tiger, certains ayant même leurs propres séries comme Luke Cage dans Power Man ou Shang-Chi avec The Hands of Shang-Chi, Master of Kung Fu. Captain America, dont les aventure lorgnent plus vers l’espionnage depuis sa réinvention par Lee et Kirby dans les années 60 va subir une nouvelle évolution en devenant une série que les auteurs orientent vers des sujets plus sociaux à partir des années 70, l’affublant même de partenaires noirs, l’emblématique Falcon/Faucon, suivi du plus éphémère et moins connu Battlestar dans les années 80 lorsque John Walker remplace Steve Rogers sous le costume étoilé. Cet engouement soudain pour des héros issus de la diversité est plus à rechercher du côté des modes cinématographiques de la blaxploitation (Shaft, Foxy Brown…) ou des films de kung-fu (Bruce Lee en tête) qu’uniquement du côté des luttes pour l’égalité, mais cela aura au moins permis aux éditeurs de tenter une ouverture vers des héros qui sortent du stéréotype WASP. Comme pour la décennie précédente les personnages musulmans restent rares, l’apparition la plus remarquée restant peut-être l’improbable rencontre en Mohammed Ali et Superman en 1978 !
On ne présente plus Cassius Clay, boxeur américain converti à l’islam sous le nom de Mohammed Ali ; au sommet de sa gloire dans la deuxième moitié des années 70, il est approché par DC pour figurer dans une histoire où il ferait équipe avec Superman pour contrer une invasion extra-terrestre, les deux héros s’affrontant même à la boxe (un soleil rouge passant par là pour enlever ses pouvoirs au Kryptonien) pour déterminer lequel des deux serait le champion de la Terre. Si le scénario sent bon la naïveté et les clichés de l’époque, happy end avec serrage de poigne entre les deux rivaux devenus alliés inclus, il en résulte une histoire qui reste encore aujourd’hui assez amusante à lire mais surtout criant (volontairement ?) d’un beau message avec ce musulman converti et cet étranger adopté comme défenseur de l’Amérique et/ou de la Terre, les deux se confondant tout de même souvent dans les comics. Il faut dire que le duo formé par Denis O’Neil et Neil Adams qui s’occupe de donner vie au projet est connu pour des séries très engagées socialement comme Green Lantern/Green Arrow, bien qu’on soit ici quelques niveaux en-dessous de cette série aux thèmes bien plus graves. Ce one-shot est ressorti aux États-Unis en 2010 dans un luxueux format agrandi et garni de bonus, repris de manière exemplaire en français par les éditions Atlantic l’année suivante. L’épisode avait une première fois eu droit aux honneurs de la VF chez Sagédition dès 1978 sous le nom de Superman contre Cassius Clay avec la mention Mohammed Ali écrit en plus petit en-dessous, le boxeur restant essentiellement connu chez nous sous son premier nom.
La lente multiplication des personnages
Le nombre de personnages musulmans augmentent durant les années 80 et 90 sans pour autant que l’on sorte vraiment de cette logique de personnages que l’on rencontre le temps d’une aventure dans le monde musulman. On reste bien souvent dans les clichés comme l’Arabian Knight, un guerrier saoudien tout droit sorti des Mille et Une Nuits armé d’un cimeterre magique, à la force augmenté par une ceinture mystique et chevauchant un tapis volant ! Ce type de cliché s’appliquent toutefois à plus ou moins tous les super-personnages non-américains qui vont généralement être costumés et nommés d’après le drapeau, le folklore ou l’idéologie de leur pays d’origine tel Captain Britain et Union Jack pour le Royaume Uni, Banshee et Shamrock pour l’Irlande, Red Guardian pour l’URSS… Dans la même logique apparaît en 1991 l’équipe iraquienne Desert Sword où l’on retrouve entre autre l’Arabian Knight et plusieurs personnages musulmans iraquiens ou non (comme aujourd’hui on ne s’embarrassait guère de cohérence au niveau des nationalités du moment que les personnages correspondent aux clichés que l’on se fait des pays), dans la logique des équipes étrangères aux noms évocateurs collants à l’image que l’on se fait de leur pays comme l’équipe soviétique de la Winter Guard, des Supreme Soviets ou du People’s Protectorate (l’URSS était un peu le plus gros réservoir de concepts inspirées uniquement des clichés que l’on peut se faire de la culture d’un pays). Si l’Arabian Knight est peut-être le premier personnage musulman a réellement s’inscrire dans les esprits, il reste toutefois un personnage sans grande importance qui n’apparaît que de temps à autres pour ajouter une touche d’exotisme aux aventures se passant au Moyen-Orient.
C’est du côté des X-Men, devenu depuis bien longtemps les champions de la tolérance toutes catégories confondues qu’il faut aller chercher le premier super-héros musulman populaire auprès des lecteurs, qui est d’ailleurs une super-héroïne : Monet St. Croix à alias M, membre de Génération X, l’équipe mutante junior de la deuxième moitié des années 90. Si le nom sonne très français et très catholique, c’est parce qu’elle est née d’un père monégasque mais tire ses racines musulmanes d’une mère algérienne. Personnage à la personnalité très affirmée et au passé plus que tourmenté, M reste encore aujourd’hui le premier personnage de comics musulman auquel les lecteurs pensent, à la fois par le succès de Generation X à une époque que par le fait que jusqu’à très récemment peu de musulmans aient une place importante dans les séries . Si d’un point de vue du progrès de la diversification dans les comics on peut se féliciter du « succès » du personnage (succès tout relatif, elle reste quand même un personnage d’une série quasi-secondaire arrêtée depuis longtemps qui a vécu un long passage à vide pendant quelques années), il faudra quand même attendre 2011 pour que le scénariste Peter David mette enfin les choses au clair concernant sa religion dans la série X-Factor, la chose n’ayant jamais été éclaircie avant et son nom comme ses origines paternelle laissant une porte ouverte vers le dogme catholique.
The days after
Les attentats du 11 septembre 2001 marquent évidemment un tournant dans la perception des musulmans aux États-Unis comme dans le reste du monde, entraînant le malheureux amalgame que l’on connaît entre l’islam et le terrorisme. Si les exemples au cinéma et à la télévision de fictions post-11 septembre traitant de terrorisme islamique [1] ne manquent pas (notamment 24 pour les années 2000 et Homeland actuellement), il en est de même dans les comics mais de manière plus modérée, à la fois par le détachement relatif de la continuité des événements historiques que par une plus grande envie de présenter des personnages musulmans « positifs », terme un peu malheureux que l’on retrouve souvent pour désigner ces personnages puisque intrinsèquement l’appartenance à une religion ne devrait pas placer quelqu’un du bon ou du mauvais côté de la balance.
S’il y a bien un comic-book que l’on verrait bien traité du 11 septembre, ou du moins de la question du terrorisme, c’est bien Captain America. Moins d’un an après les terribles événements une nouvelle série Captain America (son vol.4 pour les pointilleux), et dans le label « adulte » Marvel Knights qui plus est, soit le terrain le plus propice à des histoires réfléchis plus ou moins sur les grandes angoisses de cette époques de l’Amérique, surtout lorsque cela concerne l’islam. Quand on regarde les titres des arcs de cette séries tels que Enemy, The Extremists, Homeland ou encore Super-Patriot on se doute bien que les sujets sensibles risquent d’être abordés. Ce n’est finalement le cas que du premier arc, qui montre dans sa première partie un Captain America cherchant des survivants dans les décombres du Wall Trade Center puis partant à la chasse aux terroristes dans une petite ville américaine menacée. L’histoire est toutefois loin d’être un simple pamphlet anti-terroriste, et surement pas antimusulman, mais plutôt une réflexion sur les valeurs américaines défendues par le héros. La subtilité n’est pas toujours au rendez-vous, les grandes déclarations contenant le mot « America » comme les scènes influant des drapeaux ne manquant pas. L’auteur se garde tout de même de baigner dans le manichéisme profond et encore moins dans une attaque contre la religion musulmane elle-même, le fait qu’il est britannique expliquant peut-être aussi un certain détachement qu’aurait plus difficilement un scénariste américain. Les arcs suivants énoncés plus tôt des détacheront d’ailleurs de sujets traitant de près ou de loin des terroristes pour s’attarder davantage (et avec plus ou moins de talent) sur la crise existentielle du pays, The Extremists développant l’idée d’une révolte amérindienne. Ce mal-être de Captain America et des États-Unis se retrouve déjà de la mini-série Truth: Red, White & Black sortie plus tôt la même année, dévoilant les tentatives de recréation d’un super-soldat à partir de trois cents soldats noirs dans de terribles conditions, ne laissant à ce jour qu’un seul survivant nommé Isaiah Bradley.
Parallèlement, Captain America s’est retrouvé impliqué dans un affrontement davantage bas-du-front et manichéen entre une Amérique championne du monde libre et un Axe du Mal à majorité musulmane dans The Ultimates 2. Il ne s’agit donc pas ici du Captain America tourmenté que l’on connaît à cette époque mais de sa version Ultimate, soit une version plus badass, à la fois premier degré et satirique. À nouveau l’auteur n’est pas américain mais écossais, et si l’on peut craindre au premier coup d’œil à un affrontement façon « le monde selon les réactionnaires » il faut garder à l’esprit que le scénariste Mark Millar est un adepte de la satire un peu vulgaire mêlé à un effet blockbuster volontairement exagéré. Ultimate Captain America affronte son homologue islamiste en la personne du Colonel, alias Abdul Al-Rahman, un jeune Azerbaidjanais scandalisé par l’utilisation de surhommes par les États-Unis en Iraq ; si une partie des têtes pensantes sont bien de méchants islamistes comme on se les imagine on reste tout de même un peu dans la critique de l’embrigadement de certaines populations par la propagande tout comme dans une certaine critique des moyens employées par l’US Army dans le second conflit iraquien.
Une tentative osée
Marvel ne va toutefois pas se contenter de présenter des musulmans victimes ou terroristes et tenter la difficulté d’introduire des héros de cette confession, et ce bien avant les épisodes de Millar datés de 2005. En effet dès la fin d’année 2002 le scénariste Grant Morrison introduit dans sa série New X-Men (on revient encore et toujours aux mutants lorsque l’on parle d’intégration) une jeune afghane du nom de Sooraya Qadir que Wolverine va sauver des mains d’esclavagistes. Outre le fait de venir d’un pays en guerre avec les États-Unis suite aux attentats du 11 septembre c’est également une pratiquante sunnite traditionnelle portant le voile intégrale, une tenue que ses agresseurs tentaient de lui retirer de force entrainant par-là l’apparition de ses pouvoirs. Sous le pseudonyme de Dust par rapport à ses pouvoirs liés au sable, la jeune femme rejoint l’école pour mutants où elle tranche un peu dans le paysage pourtant peuplé d’être à l’apparence surnaturelle. Le scénariste écossais (encore une fois c’est un Britannique et non un Américain pur jus qui met un coup de pied dans la fourmilière) essaie avec ce personnage de jouer sur les clichés en montrant une femme qui choisit de porter une tenue qui continue de faire tant débat aujourd’hui sans en être contraint ni même être une fanatique, jouant même avec le fait que ses agresseurs voulaient la lui ôter plutôt que de lui imposer. Après le départ de Morrison de la franchise mutante le personnage fera un passage sur New X-Men deuxième du nom, où les scénaristes successifs continueront sur cette lancée en lui laissant porter le voile intégral, laissant le soin aux versions alternatives de nous montrer le personnage sous un autre jour.
À travers la tenue et les croyances de Dust les auteurs font débattre leur personnage comme sa camarade Surge qui y voit un affront à la liberté des femmes et amorcent même une amorce de romance avec Icarus, stoppée brutalement par la mort du jeune homme. Cela ne va guère plus loin que le flirt, Dust étant flattée par la proposition du jeune homme d’être sa cavalière pour le bal de l’école mais refusant l’offre car trop inconfortable à l’idée de danser avec lui ; si cela pourrait sembler cliché et réducteur, les scénaristes esquivent intelligemment la critique bête et méchante à l’aide d’un Icarus qui comprend et accepte l’attitude de la jeune fille. La dernière histoire du personnage impliquant directement sa religion la montre retrouvant sa mère et lui expliquant que ce n’est pas par peur ou obligation qu’elle porte le voile intégrale mais par humilité, ajoutant de la profondeur au personnage sur un sujet qui ne peut que faire débat. La force de Dust est également de n’avoir pas été uniquement utilisée comme « le membre musulman des X-Men » mais comme un personnage à part entière avec ses hauts faits et ses amitiés, mais qui a malheureusement été totalement laissé de côté depuis la période de Schism. Si elle n’est aujourd’hui plus qu’un étudiant parmi d’autres dans le décor de la Jean Grey School, elle a prouvé être l’une des créations les plus intéressantes des X-Men de ces dernières années et mériterait amplement qu’un scénariste s’attarde à nouveau sur elle.
Nés sous X
Mais Marvel n’est pas le seul éditeur à vouloir présenter des super-héros musulman sous un jour plus radieux, introduisant en août 2002 dans les pages de Superman #179 un certain Muhammad X. Surhomme protecteur du quartier de Harlem au nom évoquant aussi bien Mohamed Ali que Malcolm X (et peut-être aussi le prophète Mahomet), il n’est pourtant jamais question dans cette épisode signé Jeph Loeb, Geoff Johns et Ariel Olivetti de la religion musulmane, mais du délaissement des quartiers pauvres habitées par des minorités comme Harlem où des justiciers inconnus des héros iconiques et du commun des mortels mais familiers auprès des afro-américains pour ce cas précis. Cet épisode se veut donc être davantage une critique envers le manque de diversité encore trop grand dans les rangs des super-héros DC du début du XXIe s. qu’une réflexion sur la place et l’image des musulmans en Amérique, malgré le pseudonyme explicite du personnage pourtant montré comme un héros peut-être les auteurs ont-ils jugé qu’il était encore trop tôt pour vraiment aborder la question, ou la réservaient-ils pour des épisodes à venir. Quel que soit le cas le personnage ne sera exhumé par ces deux auteurs qu’en 2010 le temps du one-shot DC Comics Presents: Superman 100 Page Spectacular #1 et n’est encore pas réapparu dans l’univers des New52. À moins qu’il ne faille aller regarder ailleurs pour retrouver la trace de ce personnage, ou du moins de son essence.
En effet, l’idée d’un héros noir semi-légendaire connu seulement de la communauté afro-américaine se retrouve un peu dans le « Black Captain America » de Truth : Red, White & Black ; il peut s’agir ici d’une simple coïncidence, ou d’une idée un peu dans l’air du temps, mais cela devient plus troublant lorsque le fils caché d’Isaiah Bradley, un certain Josiah X, entre dans l’équation. Ce personnage est introduit dans The Crew, une série débutant le mois que s’achève la mini-série. Christopher Priest utilise dans cette série le nouveau White Tiger et Junta qu’il a créé dans le titre Black Panther mais aussi le plus classique War Machine et Josiah X alias Justice, étrange mélange entre Captain America pour le look et Malcolm X pour le nom et certaines motivations, l’auteur lui-même ayant confié s’être inspiré de cette figure politique pour créer son personnage. Le côté street-level du personnage et le nom font c une furieusement penser à Muhammad X, avec toutefois un background et une durée de vie plus développés. Personnage torturé au passé lié à la guerre du Viet Nam et au Black Panther Party dans lequel il se converti à l’islam, cette religion devenant par la suite sa planche de salut afin de sortir de sa vie de violence et de mort, devenant même un ministre de ce culte. Personnage ambiguë intéressant à développer, qui plus est aux mains d’un auteur comme Christopher Priest, Josiah X disparait très vite du paysage avec l’arrêt de la série dès le septième épisode. Il n’est depuis réapparu que brièvement dans Young Avengers pour aider son neveu devenu le héros étoilé Patriot, aucun projet ne l’impliquant ne semblant à l’ordre du jour actuellement.
Une double-renaissance pour deux interprétations opposées
Avec une Amérique en guerre en Afghanistan puis en Iraq les représentations d’États ennemis inspirés des véritables États islamistes, voir même les citant comme l’arc Extremis d’Iron Man où Warren Ellis et transfèrent l’origine du personnage du Viet Nam à l’Afghanistan ; le scénariste (britannique encore une fois) ne prend pas vraiment parti mais actualise juste une origine en la replaçant dans un contexte militaire séant mieux que l’ancienne à la continuité sans cesse glissante de l’univers Marvel. Des exemples plus caricaturaux existent à l’image de The Ultimates 2 mais sans le côté satirique, en 2006 dans la nouvelle série Black Panther où Reginald Hudlin fait preuve de moins de finesse que Christopher Priest en son temps avec un nouvel Arabian Knight qui reprend le look du précédent mais travaillant cette fois-ci pour un pastiche de Sadam Hussein, jurant au passage une mort aux infidèles. La même année verra toutefois une autre réinterprétation être introduite dans la mini-série Union Jack de Christos N. Gage et Mike Perkins avec un Arabian Knight moins caricatural dans son apparence (le tapis et la ceinture ayant été transformés en un habit militaire bien moins cliché) et surtout dans ses motivations ; après la brève parenthèse du mauvais Arabian Knight d’Hudlin celui-ci est bien plus fouillé : Navid Hashim est un agent des services secrets saoudiens issu de la minorité arabe d’Israël se retrouvant à déjouer un complot terroriste visant un sommet de la paix à Londres aux côtés de l’agent du MI-5 Union Jack, de la Contessa Valentina Allegra De La Fontaine du S.H.I.E.L.D. et , bon gré mal gré, de la super-agent du Mossad Sabra. Sans être un réel pamphlet sur la question, le scénariste touche un peu au conflit israélo-palestinien avec la relation houleuse entre Sabra et Navid Hashim qui finissent toutefois par se respecter à la fin de l’histoire, Hashim ayant au passage fait preuve d’un héroïsme sans faille allant jusqu’à vouloir se sacrifier pour sauver des vies, ainsi que plus largement des tensions entre les États-Unis et leurs alliés britanniques et israéliens et une partie du monde arabe qui se retrouvent symboliquement à faire équipe contre des extrémistes (qui non sont d’ailleurs pas du tout musulmans). Sa seconde et dernière apparition à ce jour le montre à nouveau comme un personnage positif puisqu’il aide le Red Hulk et Machine-Man à mener à bien une mission, désobéissant même à ses ordres de les stopper car présent de manière illégale sur le territoire du Sharzhad, pays musulman fictif.
Si ce troisième Arabian Knight comme Josiah X, Dust ou Muhammad X restent des personnages très secondaire et pas forcément sous les feux des projecteurs, mais les choses vont relativement changer à partir de la fin des années 2000 et surtout du début de la décennie suivante où des projets bien plus ambitieux en terme d’exposition médiatique vont faire parler d’eux.
[1] Dans un souci de clarté, je précise quand même que la différenciation est bien faite ici entre musulmans et islamistes, tout comme l’amalgame un peu certes un peu maladroit mais à chaque fois valable dans les exemples cités entre les musulmans pratiquants et les personnages originaires de pays où cette religion est majoritaire.
C’est tout pour aujourd’hui, je vous donne rendez-vous dans deux semaines pour la suite de cette article qui traitera entre autre de la nouvelle Miss Marvel que nous aurons pu découvrir entre-temps à travers le premier numéro de sa série ! Si cette article vous a fait réagir, n’hésitez pas à le retranscrire dans les commentaires !
Super article, extremement complet et bien ecrit comme j’en ai tres rarement lu sur un site de comics fr. Bravo l’artiste 🙂
Très bon article ! C’est vraiment très agréable de te lire, bravo copain !
Merci pour vos encouragements, ça fait plaisir !
génial merci pour cet article
Merci pour cet article très bien documenté sur le sujet.
Par contre, je pense que (et ce n’est qu’un opinion-pas une profession de foi)ces tentatives de diversifier les personnages des big two, tout en étant louables, sont tellement maladroits qu’ils sont emprunts de clichés dont on ne parvient même plus à se dépétrer. Nous avons des personnages musulmans, la belle affaire puisqu’on revient à des gars enturbannées,armés de simeterres ou de Khriss parlant d’allah de djinns et d’infidèles. Sabra l’israélienne affiliée au Mossad. On aligne parfois des sommets de méconnaissances (Toutes les vielles bd ou les chinois ont des kimonos ou dont les épées n’ont pas le design appropriés). Le pauvre Black Panther enfermé dans son Afrique (Ce merveilleux continent dont on peut voir le Killimanjaro du Soudan à l’Angola, ça doit être quelque chose)digne de celle de Johnny Weissmulller. Mais nous sommes tous dans ce cas là. Les irlandais sont tous roux et cathos jusqu’au fond du slip lorsqu’ils n’ont pas perdu un parent à cause de lIRA. Le pauvre Colossus et ses fameux « Par Lénine! ». Le souci de vraissemblance est le cadet des soucis des scénaristes américains qui vont droit à l’essentiel, visent l’éfficacité quitte à raconter n’importe quoi. La palme revenant à M soit disant musulmane… Bon J’ai pas tout lu mais je crois que c’est dans une épisode de X-factor que c’est subitement apparu ce truc et pour quelqu’un de Musulman, elle a quand même Marie, Therese et sainte croix dans son patronyme ( de plus les musulmans n’ont pas plusieurs prénoms). Bon ca ne serait pas un problème si elle avait au moins UN indice quelque part de son « héritage ». Bon vous allez me dire qu’au moins elle n’obéit pas aux clichés et que tous les musulmans ne sont pas obligés de s’appeler Rachid Ben Mustapha mais là on quand même un souci de documentation. On devrait avoir plein de moyens de créer un vrai personnage musulman moderne devant lequel, les concernés ne se tiendront pas les côtes de rire. La nouvelle Miss Marvel pourrait incarner l’alternative attendue justmement mais malheureusement j’ai lu la preview et j’ai eu l’impression de lire un adpatation du téléfilm france 2 « Aicha ». y’a du progrès mais bon c’est à se demander si la diversification n’est pas une fausse route, le background devant enrichir les personnage pas les condamner à un ghetto fictif supplémentaire, c’est pas comme si on n’en avait pas assez dans la vraie vie.
Merci pour ce commentaire qui soulève des points très intéressants.
Déjà beaucoup de choses sont des questions de contexte, pour ce qui est des fourbes Chinois, des guerriers arabes avec cimeterres et turbans, des expressions de Colossus sur Lénine… comme dit dans ton commentaire ce sont surtout dans les « vieille BD » que ça se trouve, certains de ces clichés sont heureusement corrigés ou beaucoup moins courant, même si certains subsistent encore. Pour la géographie on ne s’en sortira jamais vraiment je pense, il y a une part de fainéantise des auteurs qui ne font pas bien leurs recherches (à l’heure d’internet ça me paraît encore plus inexcusable qu’avant) mais aussi d’un besoin que les lecteurs assimilent les endroits, à l’image de la Tour Eiffel qui semble être place à côté de tous les cafés et places de Paris… Mais c’est beaucoup moins pardonnable pour des lieux comme le Kilimandjaro qui changent carrément de pays, où là c’est clairement de la fainéantise.
Black Panther est assez intéressant dans le sens où on nous a très vite montré qu’il vient d’un pays qui est bien plus avancé que même les Etats-Unis, même si ça rend le côté « on s’habille de la même manière traditionnelle depuis 1000 ans » complètement idiot.
Pour M comme je l’ai déjà dit elle porte le nom de son père qui lui n’est pas musulman, ça ne me pose pas de problème donc. Je connais des gens (dont une personne dans ma famille), qui sont dans cette situation : mère musulmane d’origine et père français et catholique mais avec des prénoms et des noms de famille bien de chez nous, ce qui ne les empêche pas d’être musulmans pratiquants. J’ai très envie de répondre à tout ce que tu dis ensuite sur ce personnage mais je vais m’en garder car je reviens précisément sur ce point dans la seconde partie de l’article que je suis en train d’écrire et qui doit sortir en fin de semaine prochain, je vais donc juste dire que je pense que Peter David paie les pots cassés des créateurs du personnage qui eux n’y ont pas assez réfléchi ; pour le comportement ce sera un paragraphe de la partie 2 😉
Pour la nouvelle Ms Marvel le premier épisode est sortie mercredi, il en sera sans doute question demain dans le ComixWeekly et j’y reviendrais dessus dans la partie 2 également.
Totalement d’accord avec ta dernière remarque, et certains auteurs l’ont d’ailleurs compris comme je vais le montrer avec Faiza Hussain dans la défunte série Captain Britain & the MI: 13. Mais il faut croire qu’avant que cette logique soit acquise il faut tout d’abord que les lecteurs acceptent une plus grande diversité dans les comics, encore que je pense que la majorité soit tout-à-fait pour voir s’en-fout, le peu de succès de ces personnages est finalement un peu le même que tous les nouveaux personnages blancs : avoir une histoire intéressante, les personnages classiques qui marchent depuis des décennies remplissant déjà leur rôle de fournir des histoires vite-lus vite-oubliés.
Je rajouterai que pour Sabra le problème n’est pas qu’elle bosse pour le Mossad, mais plutôt qu’il n’y ait aucun autre mutant israélien, vu qu’il est fort logique que les forces armés, services secrets, etc… des gouvernements emploient des mutants et surhumains.