Comme son nom ne l’indique pas, le film Avengers : L’Ère d’ Ultron n’est pas le film d’un seul robot puisqu’un autre androïde y fait ses débuts sur grand écran : la Vision ! Créé par Ultron qui le considère plus comme son frère que son fils, Vision a été également lié par le jeu des retcons à la Torche Humaine originale, premier être pensant synthétique de l’univers Marvel ayant fait ses armes durant la Seconde Guerre mondiale (allez écouter le Comixity #98 si ce sujet vous intéresse !). Pourtant, ce n’est pas chez ce personnage ayant servi d’inspiration à Stan Lee et Jack Kirby pour Johnny Storm de Quatre Fantastiques que l’idée derrière la Vision est à rechercher, mais chez un autre héros bien moins connu de l’Âge d’or des comic-books, un extraterrestre natif d’une autre dimension nommé… la Vision au look très similaire à celui du robot introduit par Roy Thomas, John Buscema, Marie Severin et George Klein dans Avengers #57 ! Créé par Joe Simon et Jack Kirby, ce visiteur d’une autre dimension dont le nom de naissance est Aarkus apparaît pour la première fois en 1940 dans Marvel Mystery Comics #13 ; on peut affirmer sans aucune hésitation que Buscema et Klein ont la première page où apparaît l’alien en tête lorsqu’ils réalisent vingt-huit ans plus tard la couverture d’Avengers #57 !
Outre la taille démesurée et la gestuelle, Buscema et Klein reprennent également la fumée entourant la Vision des origines, l’être extra-dimensionnel se déplaçant par ce biais, ce qui rajoutait un côté surnaturel à ses apparitions, provoquant une véritable « vision » de terreurs chez ses ennemis. Véritable historien des comics et consolidateur de la continuité de l’univers Marvel, Roy Thomas rend ainsi hommage à ce personnage alors sans doute oublié du catalogue qu’il mettra furtivement en scène dans Avengers #97 aux côtés d’autres héros de l’Âge d’or sous la forme d’illusions ; il faudra attendre la série Invaders de 1993 pour que le scénariste ramène enfin sur le devant de la scène Aarkus.
De par son impact, cette première apparition de la Vision moderne est devenue l’une de ses poses iconiques très souvent reprise lorsqu’il s’agit de présenter l’androïde, et ce dès les années 70 avec cette vignette à priori signée John Buscema (la date et le contexte de parution n’ayant pas été trouvés, merci aux fins connaisseurs de compléter ces lacunes dans les commentaires!) ou ce timbre de 1974. L’image a été allègrement reprise ou redessinée pour différentes présentations promotionnelles (comme ici pour le jeu Marvel: Avengers Alliance) ou des ouvrages de type encyclopédique tel The Official Handbooksof the Marvel Universe pour lequel Jerry Ordway a croqué la Vision en 1987.
Panorama d’hier à aujourd’hui
Marvel comme d’autres maisons d’éditions ne se priveront pas de pasticher la couverture d’Avengers #57, et donc indirectement de la page extraite de Marvel Mystery Comics #13, à travers de nombreuses reprises jusqu’à aujourd’hui. La première reprise est assez rapide car elle date de 1971 et a de particulier qu’il s’agit de la couverture du magazine espagnol Los Vengadores #25, soit comme son nom le laisse transparaître la publication dans la langue de Cervantès des Avengers. À l’instar de ce la pratique qui a également lieu pendant longtemps pour les parutions Marvel en France (on en reparle plus bas), un artiste-maison s’est chargé de reproduire la couverture en modifiant principalement les personnages aux pieds de la Vision dont le nombre et la positions se retrouvent changés. Autre différence notable, le ou les concepteurs du dessin ont abandonné l’ambiance teintée de rouge au profit des couleurs naturelles des héros, un choix que l’on retrouvera souvent par la suite. Enfin, la mention « Behold the Vision! » (« Contemplez la Vision ! ») présente sur la couverture originale se retrouve aussi ici, évidemment traduite ; cette élément sera également repris voir détourné fréquemment dans les autres illustrations. Ayant échoué à retrouver le nom du ou des artistes derrière cette oeuvre, quiconque ayant des informations à ce sujet est bien évidemment invité à se manifester dans les commentaires.
Avant de passer aux réinterprétations effectuées pour des parutions Marvel, il faut tout d’abord mentionner la réutilisation de la couverture d’Avengers #57 dans une version recolorisée pour le quatre-vingt-septième épisode de la série Avengers publiée en 1975 par Marvel UK, une parution proposant au public britannique des réimpressions d’anciennes histoires de la Maison des Idées regroupées ensembles. Contrairement à l’illustration principale toute teintée de rouge, les différents personnages présents retrouvent ici leurs couleurs habituelles, se rapprochant par ce biais de la version proposée pour Los Vengadores #25.
Le premier artiste à rendre hommage chez Marvel à Marvel Mystery Comics #13/Avengers #57 est John Byrne pour West Coast Avengers #45 en 1989, une série qu’il écrit et dessine à la fois. La référence est ici totalement justifiée au-delà du simple hommage puisque le scénariste-dessinateur dévoile dans ce numéro le nouveau look entièrement blanc arboré par l’androïde à partir de cet épisode. Quoi de plus normal finalement que de reprendre les mêmes éléments visuels que pour les premières apparitions des incarnations précédents du personnage, n’est-ce pas ? Plus qu’un simple ravalement de façade, la Vision obtient en effet à partir de ce numéro une véritable remise à zéro de sa personnalité qui en fait presque une toute nouvelle version mise à disposition des ambitions scénaristiques de Byrne pour le titre. Comme pour la plupart des autres réutilisations, on retrouve la fumée environnante, un nombre à-peu-près similaire en nombre et dans la gestuelle de personnes apeuré aux pieds du personnage central et une coloration « normale », la teinte de rouge ne réapparaissant pas toujours. Byrne reprend également d’Avengers #57 la mention « Behold the Vision! » (« Contemplez la Vision ! ») sans la modifier, contrairement à ce qui se fera dans les cas suivants. Ce design est repris en 1991 pour la carte dédiée à l’androïde dans la collection des cartes à collectionner Marvel Universe.
Traduit pour la première fois en français chez Arédit/Artima en 1978 dans Submariner #15 qui utilisait commecouverture une représentation de Namor, Avengers #57 est républié par Lug en 1991 dans Strange Spécial Origines #214Bis, ce qui donne l’occasion à une petite réinterprétation de la célèbre image. Tout comme son homologue espagnol, l’éditeur lyonnais avait l’habitude de faire réinterpréter les couvertures par leurs artistes avec une petite particularité pour cette revue consacrée aux débuts des super-héros Marvel : ici une couverture était réimaginée avec au centre un dessin du visage de Stan Lee surplombant une machine à écrire ! Le #214bis[1] n’échappe pas à la règle et l’androïde se retrouve relégué au côté gauche, les Avengers étant pour une fois non pas sous lui mais en face, séparé de la Vision par la tête du plus connu des scénaristes de comics ! C’est l’inénarrable Jean-Yves Mitton, artisan de premier plan parmi ceux de la maison et père du super-héros français Mikros, qui s’y est collé ici (merci Lorenzo pour la précision) !
Retour aux États-Unis avec l’illustration suivante signée Dave Hoover pour Invaders (vol.2) #3 ; il ne s’agit pas ici d’une reprise fidèle d’Avengers #57 mais plutôt d’une image voulant captée l’essence de cette couverture ou de la page de Marvel Mystery Comics #13, car présentant le grand retour dans un comic-book Marvel de la première Vision orchestré par Roy Thomas ! On peut repérer un possible détournement du « Behold the Vision! » qui devient ici « Before them… a Vision! » (« Devant eux… une Vision !).
Retour chez Marvel UK pour la couverture suivante tirée de la série Cyberspace 3000, un titre de science-fiction se passant au XXXIème s. créé par Gary Russell et Steve Tappin durant huit numéros en 1993-1994. Bien que mettant en scène principalement de nouvelles créations, quelques têtes connues pouvaient apparaître comme la version future d’Adam Warlock qui tient le rôle de la Vision sur cette couverture de Cyberspace 3000 #6 signée Andrew Currie et Robin Riggs. Encore une fois un jeu de mot est visible avec ici la mention « Behold your visions! », soit littéralement « contemplez vos visions ! ».
Il ne semble plus y avoir de reprise chez Marvel avant 2005 où une référence à l’image historique se matérialise non pas sur le devant d’un comic-book mais dans ses pages intérieures. En effet, Young Avengers #5 marque la naissance en 2005 sous le crayon de Jim Cheung d’un nouvel avatar de la Vision (détruit l’année précédente dans l’arc Avengers Disassembled) qui s’empresse de se présenter en reprenant la même pose que son prédécesseur ! C’est également avec lui que va à nouveau s’ouvrir les hommages à Avengers #57 sur les couvertures puisque la Vision version teen imite son aïeul en juin 2008 pour le quatrième épisode de la mini-série Young Avengers Presents qui lui est consacré, toujours esquissé par Jim Cheung.
Un autre hommage tendant vers le classicisme pur et dur apparaît à peine un mois après Young Avengers Presents #4 avec la couverture de Mighty Avengers #14 qui reprend sous les crayons de Marko Djurdjevic quasiment trait pour trait celle d’Avengers #57 et son ambiance nimbée de rouge, si n’est pour un détail : Vision a le visage d’un Skrull ! Cette image est à replacer dans le contexte de Secret Invasion, l’event de 2008 dirigé par Brian Michael Bendis où la Terre subissait les assauts des Skrulls qui avaient au préalable préparé leur arrivée en remplaçant depuis des années certains super-héros par des agents infiltrés (chose plutôt facile quand on est une race extraterrestre métamorphe). Marvel s’était pour l’occasion pris au jeu de détourner ses couvertures les plus emblématiques à la sauce skrulle, comme pour celle d’Avengers #57.
La couverture publiée par Marvel la plus récente qui est traitée ici date de novembre 2014 : il s’agit d’une couverture alternative réalisée par Chip Zdarsky pour Avengers (vol.5) #38 qui met en scène Groot en lieu et place de la Vision. Elle s’inscrit dans la déferlante d’illustrations consacrée aux Gardiens de la Galaxie dont Marvel nous abreuve depuis le début de la promotion du film éponyme de James Gunn qui a cartonné l’été dernier ; non-content de fournir des variant covers dédiées à l’équipe cosmique depuis plusieurs, Marvel est allé jusqu’à consacré celles du mois de novembre 2014 uniquement au duo formé par Groot et Rocket Raccoon ! Cette couverture se veut résolument comique puisqu’elle joue sur la faculté de Groot à ne dire que la phrase « I am Groot » et remplace les personnes apeurées à ses pieds par son compère Rocket armé d’un extincteur pour éteindre le feu provocant hors-champ la fumée entourant l’alien-arbre.
Coups d’œil chez les voisins…
Comme bien souvent, la concurrence ne se prive pas non plus pour rendre hommage à une couverture emblématique d’un autre éditeur. Si l’on excepte le cas du magazine Avengers de Marvel UK qui n’a fait que recoloriser la couverture d’Avengers #57, la première reprise par un nouvel artiste de cette image n’est pas l’usage qu’en fait John Byrne en 1989 mais Psychoblast #5 sorti un an plus tôt chez Frist Comics ! Cette série réalisée par Steven Grant au scénario et Robb Phipps au dessin achevée après neuf numéros mettait en scène Brian Burke, un homme ayant la capacité de se transformer en son sommeil en Psychoblast, le personnage central de la couverture ressemblant à une improbable fusion entre Vif-Argent et Longshot. Le dessinateur s’est amusé à reprendre le gimmick du quatuor apeuré devant l’apparition géante, des flammes fournissant la fumée mais également une teinte de rouge rappelant la couverture originale.
Ce tour d’horizon s’achève en 2009 avec une couverture alternative réalisée par pour le quatrième épisode d’Absolution, une mini-série imaginée par le scénariste Christos Gage et le dessinateur Roberto Viacava sur le thème très en vogue alors du super-héros qui pète les plombs ; publié par Avatar Press qui n’est pas connu pour censurer ses productions, ce titre est à réserver aux amateurs de récits sans concessions comme The Boys ou Irredeemable (Irrécupérable chez nous). C’est Juan Jose Ryp, un dessinateur qui s’y connaît en histoires ne faisant pas dans la dentelle comme les productions de Warren Ellis pour Avatar Press (Black Summer, No Hero et Wolfskin), qui réalise ici l’hommage avec au centre de l’image John Dusk, le personnage principale d’Absolution.
… et même au-delà des comics
La couverture d’Avengers #57 jouit d’une telle aura que ses reprises dépassent le simple cadre des comics papiers. Ainsi, elle a été détournée en 2012 à l’occasion d’un poster promotionnel pour la troupe de stan-up Comics & Comics, des comédiens qui comme le nom le laisse entendre se sont spécialisés dans les références à la « culture geek ». L’humour se reflète dans cette image qui se moque amoureusement la couverture bien connue.
Plus surprenant, l’artiste Clinton Reno a repris la couverture en 2013 pour concevoir une affiche dédiée à des représentations de l’œuvre musicale de John Cage pour le cent-unième anniversaire du compositeur américain. Il faut dire que l’image est idéale s’il s’agit de la détourner pour représenter la grandeur au sens figuré d’une personnalité.
La pose mythique de l’androïde encapé s’est également retrouvée dans la promotion du film Avengers : L’Ère d’Ultron. Ultron a également à son tour pris la pose légendaire, le tout dans une ambiance rougeâtre bienvenue pour appuyer l’hommage.
Cette image de la Vision s’est retrouvé incrustée via le truchement de Photoshop dans de nombreux posters, et une variation s’est même matérialisée sur cette affiche où le robot volant y montré de dos.
Le compte Facebook Tony Stark Sincero a détourner l’image promotionnelle de la Vision pour reconstituer une couverture-hommage.
Cette image de la Vision a donc fait son chemin dans l’imaginaire collectif des lecteurs de comic-books, donnant lieu à de nombreuses reprises par des artistes en-dehors de commandes officielles, comme cette illustration extraite du portfolio en ligne de l’artiste français Stéphane Perger.
Regards trompeurs
On ne peut donc que constater que cette représentation de la Vision a fait son bonhomme de chemin et a peut-être donné lieu à des hommage indirects (voire inconscients). On serait tenté de voir des relents d’Avengers #57 dans la couverture d’Avengers West Coast #60 dessinée par Paul Ryan, avec au centre un Magneto tendant son bras en surplombant les autres personnages présents, mais il ne faut peut-être pas non plus surinterprêter la simple représentation d’une position centrale triomphante. De plus, l’exagération de la taille d’un personnage mise au centre est une pratique des comic-books très ancienne et indépendant de tout hommage rendu à à Marvel Mystery Comics #13 ou Avengers #57.
On pourrait même aller plus loin dans ce raisonnement en analysant la position d’Iron Man sur l’affiche principale du premier volet cinématographique de la saga, mais à nouveau le piège de la surinterprétation n’est peut-être pas loin.
Reste tout de même un cas particulier, prédatant Avengers #57 de seulement trois mois. En effet, la couverture de Doctor Strange #169 dessinée par Dan Adkins montre la forme astrale du Sorcier Suprême s’élever au-dessus de son corps en grandissant dans une pose rappelant vaguement celle de la Vision des origines, la scène baignant dans une ambiance vaporeuse. On peut conclure que cette très légère ressemblance est dû hasard, le Docteur Strange ayant l’habitude de prendre de tels poses pour lancer ses sorts ; toutefois, la présence d’un certain Roy Thomas au scénario laisse entrevoir la possibilité que des suggestions d’un modèle à suivre pour la composition de cette image aient pu être données… et, comme si le hasard voulait pousser à cette comparaison, cette couverture s’est retrouvée utilisée pour le cinquante-septième numéro du Avengers de Marvel UK !
Bonus : De quel épisode est tirée cette vignette sur laquelle la Vision rejoue sa première apparition façon La nuit des morts-vivants ?
[1] Trimestriel lancé en 1981, Spécial Strange Origines suivait en parallèle la numérotation de de sa revue-mère en y ajoutant la mention « bis » ; par conséquent, le premier numéro publié est le n°133bis et le magazine dispose d’une atypique numérotation « à trou ». Cet état change en avril 1995 lorsque le périodique devient bimestriel et poursuit alors indépendamment sa numérotation.
Salut Marti, pour la couverture de Strange 214 bis, c’est bien l’oeuvre de Mitton.
Merci de cette précision, je vais mettre l’article à jour !
Merci pour cet article. Au top !