Enfin un livre dont j’ai envie de parler ! Sorti en 2009, il commence à dater mais bon, quand un livre est bien, il n’est jamais trop tard pour s’y mettre. Un jour je serai invincible nous dépeint l’histoire du combat irréductible du Bien contre le Mal, une équipe de super-gentils charismatiques face à des super-vilains en éternels loosers. Quoique…
Dans l’ouvrage d’Austin Grossman, rien n’est manichéen et ses héros ne sont pas si différents des méchants qu’ils combattent. Le fond de l’ouvrage serait plutôt un essai philosophique sur ce qui distingue un super-héros d’un super-vilain et des liens qui existent entre eux. En mettant en parallèle les deux récits croisés du Docteur Impossible, « le génie maléfique le plus intelligent du monde » et de Fatale, une femme cyborg fraîchement recrutée dans l’équipe des Nouveaux Champions, l’auteur nous livre un éclairage inédit de ce combat si classique en apparence.
« Peut-être aurais-je dû devenir un héros. »
On s’attache au Docteur Impossible dès le début, doutant des qualités dont il se targue en permanence, prenant en pitié cet homme rejeté par ses semblables, invisible à leurs yeux et qui finit par développer une idée fixe : obtenir leur reconnaissance en devenant maître de l’Univers, ou tout du moins du monde.
Le récit débute alors qu’il est enfermé pour la 12ème fois dans une prison de haute sécurité – après tout il est le n°4 sur la liste des personnes les plus dangereuses – et qu’il prépare son futur plan de conquête, la création de son énième Engin de l’Apocalypse.
« Ce matin, sur la planète Terre, on compte 1686 personnes améliorées, surdouées ou jouissant d’un quelconque pouvoir. […] Ils sont 678 à utiliser leurs pouvoirs pour lutter contre le crime, 441 à en user pour violer la loi. […] Dont moi-même. »
« J’ai tenté de conquérir le monde à 12 reprises, et à chaque fois j’ai failli réussir. […] Je suis l’homme le plus intelligent du monde. »
Sa Némésis, l’invincible CoreFire, est porté disparu depuis quelques temps, poussant l’équipe dissoute des Champions à se reformer et à recruter deux nouveaux membres, Lily (ancienne complice du Docteur) ainsi que Fatale, une jeune femme victime d’un terrible accident et qui doit la vie à un mystérieux programme l’ayant transformée en cyborg.
« J’ai décidé de me faire appeler Fatale. C’est mon nom de super-héroïne. Je l’ai choisi sur une liste qu’on m’a donnée à la clinique. […] J’aurai vraiment dû opter pour Cybergirl. »
« 43% de ma masse corporelle d’origine ont tout bonnement disparu. […] Je pèse près de 250 kg. Je n’arrive jamais à me fringuer correctement. »
Cette dernière nous apporte le second point de vue, l’équipe de super-héros vue de l’intérieur. Et ce n’est pas triste, on a là Damoiselle, BlackWolf, Elfine, Férox, Mister Mystic,et Arc-en-Ciel Triomphant. Des êtres exceptionnels, humanoïdes ou extra-terrestres, dotés de pouvoirs magiques, surnaturels ou mystiques, aux caractères et aux motivations très différentes.
« Un homme à tête de tigre assis à côté d’une femme de verre. La femme placée à ma droite a des ailes. C’est ici que je veux être : avec les pros. »
Contre eux, le Docteur Impossible bien sûr mais aussi toute une clique de super-ratés et super-mégalos : le Baron Ether, Nick Napalm, le Pharaon, Poupée…
« Pour devenir un super-vilain, on a besoin d’un certain nombre de choses. On a besoin d’une Némésis. On a besoin d’une obsession. Et on a besoin… d’autre chose. J’ignore exactement quoi. Une cause première. Une fille qui vous a repoussé, des parents morts sous vos yeux, une rancune tenace contre le monde entier. Ça peut être ce que vous voulez. »
L’auteur se paye même le luxe de placer l’histoire dans le temps en créant deux générations de super-héros et de super-méchants. La première équipe, le Super-Escadron ayant passé le relais aux « nouveaux » tandis que le Baron Ether se retirait il y a 27 ans. Il crée une nouvelle continuité qui fait obligatoirement penser à Watchmen et qui ferait pâlir d’envie les maisons d’éditions…
« Si le Super-Escadron incarnait l’âge d’or, les Champions représentaient l’âge d’argent. »
Austin Grossman fait preuve d’une imagination remarquable à travers les portraits de ces différents personnages. Il crée une galerie complète de méchants truculents et de super-héros originaux. Un être mi-homme mi-tigre, une guerrière elfique, un magicien mystérieux, une femme venue du futur, un athlète autiste sans pouvoirs… ils nous font forcément penser à d’autres mais possèdent leurs propres traits distinctifs. Leurs costumes et attitudes sont très bien décrits, leurs origines sont réfléchies, leurs pouvoirs ou les artefacts leur permettant de se distinguer clairement définis. Peut-être sent-on là le fait que l’auteur soit game-designer dans le jeu vidéo.
Il y a même, pour le clin d’œil, deux parties additionnelles à la fin de l’ouvrage, un extrait de la « base de données méta-humaine globale, 3ème édition » qui référence tous les personnages évoqués dans le livre avec leur descriptif (nom, bio, pouvoirs et source des pouvoirs) ainsi qu’un index chronologique asseyant la continuité de l’histoire.
Enfin je tenais à signaler le ton de l’ouvrage particulièrement agréable à lire. L’écriture est fluide, j’y ai trouvé beaucoup de notes d’humour (par exemple dans les titres des chapitres dont le premier s’intitule « Encore raté »), essentiellement dans les textes du Docteur Impossible. Le ton employé est différent lorsque c’est Fatale qui s’exprime, le vocabulaire change. Ces deux narrateurs se complètent aisément, nous emmenant dans la même histoire selon leurs deux points de vue.
Au final, nous percevons ce que l’auteur veut retranscrire, la symbiose entre ces êtres d’exception, quel que soit le chemin qu’ils aient choisis de suivre. Ils n’existent pas les uns sans les autres. Leurs vies sont intimement liées, souvent dans leurs origines mêmes, et ce jusqu’à leur disparition. Un plaisir de lecture vraiment ! une vraie histoire de super-héros, un univers concret et réaliste. Une suite ne serait pas pour me déplaire ! Et merci à Mordecai pour ce conseil de lecture !
Un jour je serai Invincible. Auteur : Austin Graussman. Éditeur : Calmann-Levy – Prix : 19,90€ – Pages : 314
je me posais une question sur les super heros et super vilains .Pourquoi tous ces personnages eprouvent le besoin de porter un costume ?Apres tout un supervilains avec un costume est un peu bete dans un sens car il est directement reconnu en tans que tel et donc peut etre du coup facilement aretable par la police ou par les superheros .Les bandits du monde reel sont plutot discret pour justement ne pas se faire areter.Merci pour votre future reponse
Pour compléter la réponse donnée dans le Weekly 31, je pense qu’il n’est pas nécessaire de faire un parallèle avec les « super vilains » du monde réel qui – évidemment – ne vont pas porter masque et cape. Il s’agit surtout pour moi de donner une identité au personnage, une couleur. Des caractéristiques nettement identifiables comme on peut le voir dans les mythologies par exemple, genre Athéna en guerrière avec le bouclier de Méduse, Zeus avec sa barbe tenant la foudre, Héraklès revêtu de la peau du lion de Némée… La preuve, le tolé suscité par la disparition du slip de Superman ou le changement de costume de Power Girl… Cela ajoute une dimension fantastique, fantasmée aux personnages et les classe comme des surhommes. Batman a crée son costume pour inspirer la crainte. Dans ce livre, Docteur Impossible explique clairement qu’il s’agit de se distinguer de la masse insipide des hommes. Et en enfilant leurs costumes, c’est une seconde peau qu’ils revêtent. Gentils comme méchants, ils sont différents ainsi accoutrés (Superman étant le meilleur exemple pour moi), comme s’il s’agissait d’une double personnalité. C’était un peu long mais j’espère que ma réponse te conviendra.
Je suis vraiment heureux que ce livre t’ai plu et que tu as rédigé un si bon article à son sujet !
Tu es d’ailleurs la seule personne à qui j’ai parlé de ce livre…
Les romans dans des univers super héroique sans rarement traduit en français.
Mais il en existe un certain nombre en anglais. Ne serait-ce que l’univers wild card initié par G.R.R. Martin avec comme contributeur des gens comme zelazny, chris claremont et jon williams.