Crédits :
Dessin : David Mazzucchelli
Éditeur : Marvel Comics
Avis : enfin j’ai pu lire le légendaire arc « Born Again » paru dans la série Daredevil en 1986. Je connaissais bien évidemment le contenu de cet arc, et ses conséquences sur la vie du diable rouge, mais ce n’est qu’à l’occasion de la réédition par Panini dans la collection les grandes sagas que j’ai pu enfin réellement la lire. Et que dire à part que je me suis pris un claque monumentale ! Mais je me demande bien pourquoi j’ai été surpris de lire un récit aussi haletant de la part de celui que l’on peut considérer comme le second père de Daredevil.
En effet bien que la création de Daredevil revienne bien évidemment à Stan Lee, la véritable naissance du personnage n’intervient que lors de la reprise du titre par Frank Miller. Le personnage qui n’était jusque là qu’un spider-man bis, devient comme on dit aujourd’hui un super-héros urbain. Car c’est bien la première chose que Miller fait, il replace le personnage dans un contexte plus noir, bien plus proche de la réalité, et surtout de la rue.
Pour ceux qui ne le savent pas, New York était une ville très différente de la cité actuelle. Dans les années 70 et 80, la ville est gangrenée par la corruption et par le crime, le sommet sera atteint à la fin des années 80 lorsque la ville atteint le sinistre record de 3000 meurtres en un an. Dans ce contexte présenter un héros souriant, affrontant des super vilains de 4e zone apparaît pour le moins décalé. Miller va donc confronter DD à la réalité du terrain, et en profiter pour lentement mais sûrement le briser.
Le summum est bien sur atteint dans Born Again, où les dernières illusions issues du silver age qui pouvaient encore subsister dans la série sont impitoyablement détruites. Le plus ironique dans tout ça est que l’on finit la lecture sur une note optimiste et remplie d’espoir.
La destruction du personnage : je dis que les dernières illusions du silver age sont détruites, en raison du sort qui est réservé aux personnages. Le symbole en est bien évidemment Karen Page. Ce changement d’époque est parfaitement illustré dès les premières pages quand ce personnage qui a alimenté les intrigues amoureuses de la série dans les années 60 comme soupirante de Matt Murdock est montrée dans sa situation présente : elle voulait devenir actrice, elle finit dans le porno, et pour ne rien gâcher elle se révèle être une junkie. Une phrase montre bien que les histoires légères des années 60 sont finies quand elle se dit alors qu’elle vend l’identité secrète de DD pour une dose : » c’est les années 80, fais ce que tu dois faire ».
Chaque perso subit ce changement d’époque, entre Matt dont la vie est détruite, et ce alors qu’il est clairement dit qu’il était déjà au bord du gouffre avant cet arc. Foggy, qui devient un personnage bien plus adulte que le bouffon qu’il était auparavant. Et bien sûr le Caïd qui n’est plus représenté comme le super-vilain apparu pour la première fois dans Spider-man.
Cette saga peut être segmentée en deux parties :
– la descente en enfer : elle est double, celle de Matt et celle de Karen. Chacun chute en même temps comme un reflet de l’autre, chacun va perdre son toit, chacun va souffrir dans sa chair,et surtout chacun va être sauvé par un être aimé.
Car c’est là la force de ce récit de ne pas se contenter d’être une entreprise de destruction massive. Miller ne se contente de faire de la vie de Murdock un enfer : sa maison détruite, ce n’est rien, il ne peut plus exercer, ce n’est rien, il n’a plus un rond, ce n’est rien, son ennemi lui met une raclée monumentale alors que son meilleur ami se tape sa copine ? tout ça n’est rien. Car une fois débarassé de tout ça, que reste t-il ? l’essentiel : Matt Murdock.
– la renaissance : en effet c’est après avoir out perdu que les deux personnages, Matt et Karen se retrouvent, et se rendent compte que malgré les épreuves, tout ce qu’ils ont traversé, ce qu’ils sont est toujours intact. Et c’est sur cette note profondément optimiste que s’achève le récit, c’est là le plus ironique. On aurait pu croire que Miller écrirait une histoire profondément déprimante, il n’est en rien, il écrit un récit sur la volonté humaine capable de surmonter les pires des épreuves et donc en un sens éloigné des gimmicks du dark and gritty qui n’allaient pas tarder à inonder les comics .
Le scénario de Miller est en outre un petit bijoux de mise en scène, on voit que le scénariste applique des méthodes narratives particulièrement inventives qui entremêlent par moment la vie des différents protagonistes. Il montre ainsi par moment comment chacun va surmonter les obstacles. Le sort du journaliste Ben Urich est ainsi particulièrement bien mis en scène. Privé dans un premier temps par le Caïd de ce qui fait la force des journalistes, la capacité à utiliser les mots, en l’espèce le nom de DD, on voit comment il va dépasser sa propre peur et ainsi enclencher une série d’évènements qui va permettre à Matt de refaire surface.
Le tout est incroyablement bien servi par le dessin de Mazzucchelli, qui d’une part rend superbement bien la descente en enfer que connaît le personnage, puis la renaissance conjointe de Matt et Karen.
Un chef d’oeuvre qui sans conteste a influencé nombre de scénaristes par la suite, en effet comment ne pas voir un hommage à cette saga dans l’arc Guardian Devil de Kevin Smith, ou encore dans tout le boulot de Bendis sur la série ? alors que certaines scènes sont directement inspirées de Born again, voire même que des répliques entières sont reprises ? Je savais que cette saga avait influencé nombre d’auteurs, mais à la lecture je me suis rendu compte qu’elle était pour nombre d’entre eux une référence à laquelle ils ne peuvent s’empêcher de faire des allusions.
Born Again, c’est le top du top de Daredevil. j’avais une bonne dizainne d’années quand je l’ai lue pour la première fois dans Strange. Un vrai traumatisme de voir le monde de Matt Murdock s’écrouler en quelques épisodes. J’aivas déjà ressenti ce sentiment avec Tony Stark alcoolique et SDF.
Je l’ai acheté en VO le WE dernier, j’ai hate de le lire, je lirai ta chronique ensuite ^^
Je n’en ai entendu que du bien en tout cas !
Il est clair que s’il ne faut prendre qu’une seule « Grande Saga », c’est celle-là ! Le scénario est haletant et le dessin magnifique. Il n’y a pas un seul personnage qui soit inintéressant, tous vivent des changements majeurs dans leur vie. Je l’ai préféré de très loin à Man Without Fear (pour citer un autre arc connu).
Fan de Miller , je ne pouvais passez a coté , c ‘ est énorme , cassez Murdock , pour finalement le reconstruire ..;l ‘ un de ces meilleurs boulots
Culte ! J’en pourrais en réciter des passages entiers par coeur .
Pour ma part je trouve que la Chute est plus intéressante que la renaissance . Je déteste Nuke, et après les subtilités du Caid, l’inondation de Hells Kitchen au Napalm n’est pas vraisemblable.
Je n’ai jamais compris pourquoi Miller s’était privé du match retour Matt/ Fisk…
Nuke est peut-être à replacer dans le contexte de l’époque qui a vu fleurir la figure du héros regaenien triomphant (Rambo à partir du II, et même Rocky à partir du IV, les films de Chuck Norris…) côtoyant les films plus critiques et subtils sur le Viet Nam, Nuke devenant en quelque sorte un amalgame des deux. Mais c’est vrai que cette fin fait un peu « sorti de nulle part », le dernier acte ayant un goût de « pièce ajouté », si ce n’est pas « hors-sujet », quand bien même le sujet est intéressant et bien écrit. Peut-être cela aurait-il mérité d’être développé dans une histoire à part entière (à moins que c’était prévu comme un projet à part au début qui a été annulé et recyclé ici ?).
Comme tu dis ça fait un peu pièce rapporté qui semble aussi prétexte à l’apparition des vengeurs dont on aurait très bien pu se passer.Seul peut être captain america trouve sa place dans cette fin d’histoire.
J’aurais été très curieux de voir ce qu’aurait eu à dire le Miller subversif de l’époque sur Captain America à cette époque. Par contre aujourd’hui je n’ose même pas imaginer ce qu’il en ferait…
Effectivement celui de l’époque aurait pu donner au vengeur étoilé son histoire référence car il n’a pas de mon point de vue d’arcs aussi marquants que daredevil ou spider-man par exemple.
Par contre aujourd’hui cap serait peut être plus proche de Nuke écrit par lui 😉
Captain America a quand même des arcs très marquants comme la fameuse saga du Secret Empire, c’est surtout que le personnage touche un public moins large que Spider-Man et Daredevil par sa (fausse) image du boy-scout qui s’habille avec un drapeau.
Et bien écoute je vais peut être y jeter un oeil, j’ai très peu lu de captain america d’ou mon ignorance mais comme tu le dis les bonnes histoires le concernant sont peut être moins reconnues du grand public.
Penses tu quand même que ce soit aussi marquant qu’un born again ou la dernière chasse de Kraven par exemple ?
Nuke introduit le complot des super soldats et Weapon X.
Mais il intervient en tant que vilain pathétique sans personnalité alors que Miller a déployé des efforts de psychologie tout au long de l’histoire.